n le sait, la France ne manque pas de rouspéteurs. Et le vignoble ne fait pas exception à la règle. Depuis des mois, on y entend soupirer que l’arrachage primé définitif n’existe plus en Europe pour alléger l’excès de vins rouges. Depuis des années, on y est mécontent que des cépages résistants au mildiou et à l’oïdium produisant des vins organoleptiquement intéressants soient bloqués par principe de précaution. Depuis le siècle dernier, on reproche aux appellations d’être sclérosées et allergiques aux innovations… Du moins, c'est ce que les râleurs pouvaient dire avant : maintenant, il va falloir changer de disque ! Les choses changent ce début 2023 : une co-construction entre l’État, l’interprofession et la Région permet de débloquer une aide à l’arrachage en Gironde, la recherche fondamentale française va permettre le déploiement territorial des cépages résistants obtenu par le défunt Alain Bouquet jusqu’à présent gardés sous cloche, les syndicats viticoles AOC vont pouvoir proposer des expérimentations dans leurs cahiers des charges…
Certes, ce ne sont que des avancées politiques, demandant d’être mises en pratique à la hauteur des attentes et besoins. Mais la mobilisation collective a déjà permis de lancer de nouveaux mouvements pour réagir aux urgences économiques, écologiques et climatiques. Il est désormais de la responsabilité de tous les opérateurs de la filière vin de devenir des acteurs de ces changements. Dans le dur, les vignerons bordelais souhaitant quitter la profession ou réduire leurs surfaces peuvent participer au programme d’arrachage et de reconversion mis en place (permettant de montrer que la demande est telle qu’une rallonge va être nécessaire pour réellement réduire l'excédent). Il est de la responsabilité des vignerons souhaitant essayer les prometteurs cépages Bouquet de traiter ces variétés quand il sera nécessaire pour limiter le risque de contournement de résistance. Il est de la responsabilité des vignerons d’appellation de proposer des critères d’évolution de leurs cahiers des charges pour tester de nouveaux modes de production adaptés au changement climatique.
Si toutes les demandes de la filière vin n’ont pas encore de réponses, du report des Prêts Garantis par l’État (PGE) à la réforme de la moyenne olympique (pour l’assurance climatique), ces déblocages aussi successifs que significatifs témoignent de la capacité collective de faire bouger les lignes. Et donc les vignes.