oins festif qu’un calendrier de l’avent, le compte à rebours pour la mise en place ce premier janvier 2023 de la nouvelle certification Haute Valeur Environnementale (HVE) va également conduire à des surprises dans le vignoble. À défaut de cadeaux, les craintes sont fortes sur un décrochage du nombre de nouvelles certifications au vu des nouvelles contraintes après des années de croissance continue (18 300 domaines viticoles certifiés au dernier pointage). Soulignant que la certification de troisième niveau « s’appuie sur un référentiel technique qui n’a été revu qu’à la marge depuis 2012 [NDLR : sa date de création], et pour la dernière fois en 2016 », un communiqué du ministère de l’Agriculture indique qu’« en résumé, le référentiel rénové de la HVE, ne comporte plus de "voie B", qui faisait l’objet des plus nombreuses critiques [NDLR : pour son approche comptable et non agroécologique], et ses exigences ont été revues à la hausse sur les indicateurs de protection de la biodiversité, de limitation de l’usage de produits phytosanitaires, et de gestion raisonnée de la fertilisation ».
Si l’approche est claire dans la théroei, ses effets pratiques restent bien nébuleux. Ayant adopté le socle de la HVE, la certification Viticulture Durable en Champagne (VDC) opte actuellement pour l’attentisme : « pour l’instant VDC reste sur l’ancien référentiel, les anciens barèmes. Nous n’avons de toute façon pas tous les éléments pour préparer les vignerons » témoigne Sébastien Debuisson, responsable du service vigne au Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne (CIVC), expliquant avoir « pris acte du changement. Mais si l’on a le gros des éléments, il manque les détails. Nous n’avons pas de grille de notation et de manuel de préparation. »
D’après les premiers échos, l’ingénieur agronome relève un possible problème sur le nouvel indicateur de biodiversité : « il y aurait quelques soucis, mais on a du mal à estimer l’impact de la réduction de points sur les plantations de haies ». Sébastien Debuisson relève surtout un fort risque de rupture pour l’indicateur de fertilisation : « avec la prise en compte pour la minéralisation de l’azote total et pas de l’azote efficace. Quelqu’un qui apporte des écorces, du paillage, du mulch, des engrais organiques… Il dépassera facilement l’indicateur. C’est un point d’incompréhension. » D’après ses estimations, 30 % des certifiés HVE de Champagne pourraient ainsi perdre leur certification à l’avenir (il y a un délai de transition). « Cette règle poserait problème, on est dans une position d’attente. Il y aura des points importants à vérifier dans les premiers mois d’audit 2023 » note Sébastien Debuisson.
Difficile à évaluer
Mêmes échos incertains avec le référentiel Certification Environnementale Cognac (CEC), qui amène à la double certification CEC et HVE. « La mise à jour du référentiel aura un impact, mais sans connaissance des grilles de notation et du manuel de préparation ce dernier est difficile à évaluer » pointe Bastien Brusafferro, directeur de l’Union Générale des Viticulteurs pour l'AOC Cognac (UGVC), qui précise que « cela ne remet pas en cause notre engagement pour le HVE et la CEC sur lesquels nous continuerons de nous appuyer ». Soutien de la certification charentaise, le Bureau National Interprofessionnel du Cognac (BNIC) martèle son « entière motivation à poursuivre et développer la dynamique de certification environnementale dans laquelle nous sommes engagés ». Mais si « la réforme annoncée de HVE aura un impact pour notre filière, puisque notre système s’articule avec cette certification HVE. Actuellement nous étudions si notre démarche devra s’appuyer sur le dispositif actuel ou bien sur un dispositif adapté » précise l’interprofession.
Si les vignerons conventionnels restent sur la défensive, et surtout dans l’expectative, il semble que la nouvelle orientation du label HVE ne soit pas pour déplaire à certains de leurs confrères certifiés bio. Saluant l’interdiction de produits phytosanitaires classés Cancérigènes Mutagènes et Reprotoxiques (CMR), Nicolas Richarme, le président de Sudvinbio, note dans un communiqué* que « toute initiative visant à réduire l'utilisation de pesticides, a fortiori les plus dangereux, est la bienvenue. Mais ce qui est important aussi, c'est que le consommateur puisse comprendre la réalité des différents labels. Aujourd'hui, il n'y a qu'un label qui garantit une agriculture sans produits de synthèse, c'est le bio. » Sur ce sujet, l'association nationale pour le développement de la HVE promeut justement un label agroécologique conventionnel médian, qui ne doit pas s'imposer les exigences de l'agriculture biologique.
* : Qui indique que « le label HVE n'interdit pas le recours aux pesticides contrairement au label Agriculture Biologique ». Ce qui rappelle la communication ambiguë sur des produits "bio sans pesticides", et alimente les amalgames entre agriculteurs et riverains dans les parcelles où les pulvérisateurs sont toujours vus comme épandeurs de produits nocifs, quand ils traitent aussi avec des produits bio (également utilisés en agriculture conventionnelle, s’il est besoin de le préciser).