u virage agroécologique au décrochage technico-économique, il y a un pas qui pourrait être franchi par la nouvelle mouture de la certification Haute Valeur Environnementale (HVE). Dont les nouveaux « seuils de performance environnementale relatifs à la certification » sont désormais définis par le décret n° 2022-1447 et l’arrêté du 18 novembre 2022. À première lecture, force est de constater qu’il n’y a pas de bonnes surprises pour les vignerons s’inquiétant de nouvelles exigences ardues à respecter : notamment en termes d’engrais azotés, d’Indices de Fréquence des Traitements et de biodiversité. À partir du premier janvier 2023, le nouveau plan de contrôle sera opérationnel, alimentant les craintes d’un blocage du développement ininterrompu des certifications HVE (+24 % en 6 mois, au premier janvier 2022). Une croissance largement portée par la filière vin (74 % des 18 300 domaines agricoles certifiés d’après le dernier pointage) grâce à la notation de ses performances agroenvironnementales (89 % d’exploitations certifiés par la voie A agroécologique et 11 % par la voie B comptable, supprimée dans le nouveau référentiel).
« À ce stade nous sommes très inquiets car une partie des exploitants risque de perdre la certification par la difficulté à attendre les seuils. Et ceux qui vont y arriver, vont avoir des surcoûts notables par rapport à la certification antérieure et cela sans rémunération du marché » explique Anne Haller, la directrice des Vignerons Coopérateurs, notant qu’avec la durée de trois années pour la certification HVE, si « les exploitants certifiés en 2022 auront jusqu’en 2025 avant de refaire une certification, par contre les exploitants certifiés en 2020 doivent refaire une certification en 2023 avec les nouvelles règles. Donc les difficultés commencent dès janvier 2023. »


Après des années de croissance de la démarche et d’amélioration des pratiques, la déception d’un possible coup de frein est partagée par Jean-Jacques Jarjanette, le président de l'association pour le développement de la HVE : « seule la dimension environnementale a été prise en compte, en perdant de vue les enjeux agricoles du prix de revient et les enjeux commerciaux du positionnement médian de la HVE. On est en train de créer une deuxième démarche élitiste à côté du bio. » Indiquant que ce regret est partagé par les autres cultures certifiées en HVE (maraîchage, arboriculteurs…), le président de HVE souhaite rester positif : « il faut se bagarrer, ça sera dur et long, mais il faut revenir au paradigme de base. La démarche HVE a pour objectif de certifier l’agriculture conventionnelle et permettre la transition agroécologique. Sa proposition est de créer de la valeur sur le conventionnel. »
Reste désormais à mobiliser les pouvoirs publics pour faire évoluer la situation esquisse Jean-Jacques Jarjanette. Ce qui ne s’annonce pas être une mince affaire, malgré l’ouverture à la dicussion avec la filière vin exprimée il y a un mois par le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau. Dans un courrier envoyé par le 8 novembre 2022 au sénateur Laurent Daniel Laurent (Charente Maritime), le ministre explique que ce nouveau référentiel « apparaît à la fois ambitieux tout en restant équilibré, y compris pour la filière viticole, pour laquelle un certain nombre d’aménagements ont été prévus » (voir encadré). Et de fermer la porte à une révision en notant que « le projet de référentiel a reçu l’accord de la Commission Européenne […] et que pour cette raison, les ambitions environnementales présentées ne peuvent être revues à la baisse ».
Une évolution qui serait désormais crantée, mais le ministre justifie dans son courrier cette réforme par le choix « que HVE soit une voie d’accès à l’écorégime [et vérifier] que référentiel était parfaitement cohérent avec les obligations environnementales prévues pour la future PAC » (Politique Agricole Commune, 2023 à 2027) et par l’objectif d’aller plus loin « notamment pour répondre à certaines critiques qui estiment que l’utilisation de la dénomination HVE tromperait le consommateur »*. Cette lettre a de quoi alimenter la déception de ceux ayant cru, et investi, dans la certification, puisqu’il semble au final que les évolutions arrêtées pour HVE sont d’abord liées à des enjeux européens et nationaux qui ne sont pas des priorités pour les certifiés HVE.
La réforme HVE serait d’abord liée aux enjeux européens de la PAC afin d’intégrer la certification dans les écorégimes. Ce qui reste globalement un non-sujet pour la viticulture, le maraîchage, l’arboriculture… Et va désormais faire rentrer Bruxelles dans les négociations sur le devenir de la certification. Cette évolution HVE est également liée à des débats français, avec des détracteurs demandant une révision à la hausse des exigences, mais indiquant déjà ne pas trouver leur compte dans les évolutions. Tout ça pour ça, donc.


Pour les certifiés actuels de HVE, le défi principal reste la reconnaissance des efforts liés à ce label. Même si le ministre écrit au député qu’il est capital de « préserve sa capacité à créer de la valeur grâce à un logo reconnu et auquel le consommateur attribuerait durablement une plus-value environnementale », il se trouve que face à la multiplication des labels environnementaux, les consommateurs connaissent à 96 % l’Agriculture Biologique (d’après un récent sondage en ligne), contre 25 % pour HVE. Haute, la marche de la reconnaissance et de la valorisation demande déjà de ne pas déraper avant pour être atteinte.
* : Le courrier ministériel note « certaines critiques contre la certification environnementale […] fondées notamment sur une série de notes (Office Français de la Biodiversité, Institut du Développement Durable, qui, bien que souvent peu documentées, estiment que le référentiel de certification est insuffisamment ambitieux, voire qu’il permet à une exploitation d’être certifiée sans changement de pratiques. »
Dans sa lettre, le ministre note que pour la biodiversité, doivent être distinguées « les exploitations certifiées HVE des autres ». Pour les phytos, « les autorités françaises [ont écouté] les remarques des professionnels de la filière viticole, via la création d’un item valorisant la surveillance active des parcelles dans l’indicateur "stratégie phytosanitaire" ». Pour les Indices de Fréquence de Traitement (IFT), il y a eu révision « afin de renforcer la cohérence avec la nouvelle méthode de calcul utilisée pour les Mesures Agro-Environnementales et Climatique dans le Plan Stratégique National ».
« Il importe en outre de regarder au niveau global de l’indicateur les évolutions apportées et non item par item, puisqu’il ne s »’agit pas d’obtenir le maximum de point sur chaque item, mais d’obtenir d10 points par indicateur en s’appuyant sur chaque indicateur sur les items de son choix. »