’est la question à plusieurs millions d’hectolitres : comment les vins peuvent-ils séduire les jeunes ? Pourquoi pas en s’invitant dans leurs moments de consommation explique Juliette Joly, cheffe de projet mixologie pour l’Anivin de France (Association Nationale Interprofessionnelle en charge de Vin De France). Faisant le constat de consommateurs âgés de 20 à 30 ans (les "millenials") se portant d’avantage sur les bières et spiritueux que sur les vins, six recettes de cocktails à base de Vins De France (VDF) ont été lancés en 2021 (revisitant par exemple le Moscow Mule avec du chardonnay, donnant le Chardo Mule), avec des mises en avant sur 28 terrasses parisiennes et les réseaux sociaux (notamment Instagram).
Opération de « reconquête des jeunes » comme le résume Juliette Joly, ce positionnement sur la mixologie se renforce en 2022. D’abord sur le réseau des Cafés, Hôtels et Restaurants (CHR), désormais libéré des contraintes sanitaires (du Covid-19) : à Paris et dans toute la France, 400 kits ont été distribués auprès d’établissements se parant de transats et parasols reprenant la cocarde tricolore de l’Anivin de France.
L’opération se poursuit sur les réseaux numériques, avec une stratégie digitale renforcée. En juin dernier, les achats de bannières sur des sites ont surperformé : des 20 millions d’impression prévues, ce sont au final 55 millions affichages qui ont été répertoriés par la campagne publicitaire (sur LeBonCoin, Youtube, Instagram, Twitter…). « Et les personnes ayant vu la pub ont envie de goûter les cocktails » pointe Juliette Joly, se basant sur les résultats d’une étude affinitaire. La présence sur les réseaux sociaux est consolidée par des envois de kits et partenariats avec 25 influenceurs (spécialisés sur l’art de vivre et les cocktails). Parmi eux l’influenceur Cocktail Julien (400 000 abonnés sur TikTok), qui va lancer la page des vins de France sur TikTok. Sur tous les réseaux sociaux, l’Anivin de France précise veiller au respect de la loi Évin et de la protection des mineurs face aux communications sur les boissons alcoolisées : « il existe des pare-feux sur l’âge et nous vérifions l’âge du public des influenceurs » souligne Juliette Joly. Cette précaution explique l’arrivée retardée des VDF sur TikTok, qui avait une image de réseau utilisé par les plus jeunes, ce qui n’est plus le cas, précise Valérie Pajotin, la directrice de l’Anivin de France.


Après la participation au plus long bar à cocktail du monde lors du salon Wine Paris & Vinexpo Paris en début d’année, les VDF étaient du salon Whisky Live, avec un stand sur la "Cocktail Street" (partie extérieur de l’évènement, à la grande halle de la Villette, du samedi 24 au lundi 26 septembre derniers). Intéressant les particuliers et professionnels venus au salon Whisky Live, l’offre en cocktails des vins de France fait office de « petit nouveau dans le monde fermé de la mixologie » note Valérie Pajotin, qui souligne l’importance de s’adosse sur des marques reconnues pour gagner en légitimité (des partenariats sont tissés avec les sirops Monin, la ginger beer Fever Tree…). Présentant un nouveau cocktail (le merlot flush, qui ressemble à un granité), la proposition de l’Anivin de France se positionne dans la tendance du marché : des recettes avec moins d’alcool et moins de sucre résume Juliette Joly. « Sans vodka mais du chardonnay, le chardo mule est plus léger » renchérit Valérie Pajotin.
Prenant le temps d’implanter ses cocktails dans le paysage (au moins 5 ans seraient nécessaires), l’Anivin de France a l’objectif à court terme d’assurer leur présence à la carte d’un maximum d’établissement du CHR. L’idée étant que les consommateurs achètent ensuite une bouteille pour reproduire la recette à domicile. « Une fois la bouteille de vin blanc ou rosé au frigo, les consommateurs vont le goûter sans ajout ou mixeur. L’objectif à moyen terme est qu’ils découvrent le vin. Que le cocktail soit une clé d’entrée aux vins » explique Valérie Pajotin. Au-delà de leur proposition sensorielle, l’atout de ces recettes est d’être simples à réaliser, par les professionnels comme les amateurs. « C’est comme le spritz, où il faut deux bouteilles : du Prosecco et de l’Aperol. Pour le Chardo Mule, il faut un vin de chardonnay et de la ginger beer » résume Valérie Pajotin.
Pour la directrice de l’Anivin de France, la mixologie est une nouvelle corde à l’arc des VDF. La catégorie pouvant s’enorgueillir de jouir d’une bonne presse, grâce aux domaines montants et installés qui ont recours à elle pour bénéficier de la liberté qu’elle assure. De grands vignerons qui apportent de la premiumisation, comme en témoignent les prix des VDF en catalogues des Foires Aux Vins de cet automne. Et la catégorie reste « un laboratoire créatif », avec les pet’nat’ et vins orange pointe Valérie Pajotin : « en 12 ans, nous ne sommes pas mécontents d’en arriver là, alors que nous n’étions pas encensés à la création… Nous avons travaillé la présence à l’international, qui est notre ADN et où nous avons de belles performances, le travail a été plus compliqué sur nos terres françaises. »