ur le front : alerte rouge sur le vin. Diffusé ce 19 septembre à 21 heures sur France 5 (et déjà visible en ligne), le reportage d’investigations sur l’environnement du journaliste activiste Hugo Clément se penche sur l’adaptation du vignoble aux défis du changement climatique. Et semble vouer aux gémonies le « sacrilège » de l’irrigation, une « hérésie » qui n’a d’égal que la « démesure » des moyens pour protéger les vignes du gel de printemps (bougie, tour antigel, hélicoptère, câbles chauffants, arrosage…). Véritable gardien du temple viticole français, le reportage tresse par contre des lauriers aux « amoureux du vin [qui] inventent de nouvelles pratiques pour produire sans pomper dans les nappes phréatiques, sans modifier le taux d’alcool dans le vin, sans utiliser de pesticides ou d’autres méthodes polluantes en s’adaptant au climat ». Des propos concluant 52 minutes de reportage avec des images magnifiant une vigne plantée en spirale au domaine Allegria (à Caux, Hérault), où l’on observe sans difficulté… Des tuyaux de goutte-à-goutte, son vigneron, Ghislain d'Aboville, indiquant à Vitisphere ne pas être un opposant à l’irrigation, surtout sur des plantiers soumis à d’importants stress.
Mais la nuance n’est pas vraiment le ton opté par ce documentaire, dont la voix off joue le chevalier blanc et pose que « certains vignobles sont prêts à tout pour lutter contre la sécheresse, mais est-ce bien raisonnable ? » Suivant le vigneron Vincent Pugibet, domaine de la Colombette (Béziers, Hérault), le documentaire relève son usage de tuyaux enterrés pour emmener de l’eau issue de barrages. « Cela fait bondir Jeremy, notre résistant qui cherche à améliorer les pratiques viticoles » indique le documentaire, qui utilise comme « guide pour nous montrer les excès de certains vignerons et les solutions qui respectent la nature », le directeur de la Kedge Wine School, Jeremy Cukierman, auteur, ça tombe bien, d’un livre sur le vin de demain. Pour le Master of Wine, « l’irrigation va être un souci » et « on ne va pas régler un problème avec d’autres problèmes. On a un problème de ressource d’eau et on est en train de mettre à mal la ressource qui va nous manquer ». Les retenues collinaires ou le traitement des eaux usées (comme à Narbonne Plage) ne trouvent pas grâce aux yeux du reportage. « Ça ne m'étonne qu'à moitié, quand ils viennent [pour tourner] c'est toujours sympa et ils ne disent pas qu'ils vont te casser » réagit Vincent Pugibet auprès de Vitisphere, regrettant que l'équipe ne se soit pas intéressée à la gestion de l'eau utilisée pour l'irrigation : « considérer qu'il n'y aura plus de vignes en Languedoc, c'est manquer d'imagination. »


Allant en Californie, le reportage épingle l’utilisation de brumisateurs en Napa Valley. « On a un peu l’impression d’être dans un champ de maïs » lâche Hugo Clément, qui demande si ce n’est pas « une forme de fuite en avant à utiliser plus d’eau dans des endroits toujours plus secs ». Une colle pour son accompagnateur, l’œnologue suisse Jean Hoeflinger (JH Wine Consulting). Ne distinguant pas l’irrigation raisonnée au goutte-à-goutte qui se développe en France de l’utilisation d’un hélicoptère Blackhawk comme bombardier d’eau en Californie, le documentaire à la même approche contre le gel, suivi début avril en Anjou, à Chablis et à Saint-Émilion. Où « de puissants hélicoptères font leur apparition au-dessus des vignes. Et nous allons découvrir de tout nouveaux câbles électriques chauffants, de l’arrosage automatique, des feux à perte de vue en pleine nuit. Toutes ces techniques sont légales et de plus en plus utilisées » pointe la voix off. Qui répète à plusieurs reprises cette notion de légalité pour mieux remettre en cause certaines pratiques : de l’usage de levures produisant moins d’alcool à la tolérance sur l’étiquetage des degrés alcooliques. Jusqu’à évoquer des « ceps de vignes pas naturel » avec des « vignes clonées en laboratoire » suite à un commentaire de Jérémy Cukierman sur des « clones propagés à grande échelle ». Plus que de nouvelles solutions agronomiques, il est souvent question d'idées rapidement préconçues dans ce reportage.
Gardien du temple donnant nombre de mauvais points, Sur le Front semble aussi donner des encouragements à certaines techniques d’adaptation, apparemment jugées moins interventionnistes et consommatrices de ressources naturelles. Pour le gel, la solution prônée par le documentaire est celle essayée par le vigneron angevin Dominique Sirot (Le Fief Noir à Saint Lambert du Lattay) : la couverture de parcelles par des voiles d’hivernage (la taille tardive a peut-être été oubliée à cause de l'usage de sécateurs éléctriques ayant recours à l'énergie nucléaire). Pour la sécheresse, le reportage semble opter pour une adaptation des cépages, avec des variétés anciennes ou issues de vignobles méridionaux, et de nouveaux lieux de production, en augmentant les altitudes, dans des zones montagneuses, ou augmenter les latitudes, avec un exemple en Belgique où des pâturages sont remplacés... Par des vignes pariant sur le changement climatique et craignant de devoir irriguer. Alerte rouge sur chevalier blanc : tout fout le camp.