oiles dehors. « 100 % efficace [contre le gel], 100 % interdit [en AOC] ! » pose le vigneron bordelais Loïc Pasquet (domaine Libert Pater dans les Graves, avec une production hors-AOC), qui résume, avec son effronterie habituelle, les bons résultats de son essai de voiles d’hivernage P30 sur 5 hectares de son domaine du jeudi 31 mars au mardi 5 avril. Utilisant un voile d’arboriculteur, Loïc Pasquet indique avoir échappé aux dégâts qui n’auraient pas manqué de ravager ses bourgeons avec des températures enregistrées allant jusqu’à -5,4°C dans la nuit du samedi 2 au dimanche 3 avril. Il en veut pour preuve les brûlures observables sur la parcelle de 0,3 hectare de plantation qu’il n’a pas couvert.
Après avoir subi de fortes pertes de récolte avec les gelées du millésime 2021, le vigneron estime que le voile d’hivernage « est la solution la plus économique et la plus durable ». Le voile utilisé coûtant 2 000 euros/hectare, avec la possibilité d’être réutilisable (il doit normalement être posé sur une structure, qui n’a pas été montée chez Liber Pater). « Les voiles sont là pour corriger une anomalie due au réchauffement climatique. La journée il fait froid et les extrémités sont ouvertes. L’air circule. L’impact sur le stade végétatif est nul. Par contre, pour la gelée l’impact est total. La priorité est de sauver son matériel végétal (à force de geler les vignes finissent par crever) » détaille Loïc Pasquet, qui ajoute que l’« on met en place les voiles le temps de la gelée. Ils sont déposés et retirés en une journée. » De quoi plaider pour une ouverture des appellations à ce mode de lutte a priori plus efficace et moins coûteux que les bougies et autres tours antigel.


Si le recours à un voile d’hivernage est interdit en AOC, le comité national des appellations d’origine relatives aux vins de l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) indique à Vitisphere que « la règlementation en la matière étant devenue obsolète, elle nécessite d’être actualisée au regard des innovations survenues dans les équipements ainsi que de l’évolution du contexte règlementaire et surtout climatique. L’INAO s’emploie actuellement à proposer de telles évolutions ». L'institut a ainsi confié à sa commission scientifique et technique la mission « de se pencher sur la question de la protection de la vigne contre les excès climatiques, sans altérer le lien au terroir et donc le lien des AOC au climat. Dans le cadre d’une réflexion règlementaire et techniques sur les dispositifs de protection contre les aléas climatiques, quatre expériences sont en cours sur des dispositifs de couverture de la vigne (Chablis, Touraine, Savoie, Bordelais). »
« L’urgence de la situation fait que l’on a plus le temps d’attendre » réplique Loïc Pasquet. Revendiquant le titre de bouteille de vin la plus chère au monde (à 30 000 €/col), le vigneron ne considère pas son terroir comme gélif : « l’anticlinal de Landiras est un haut lieu spécifique à Bordeaux. Le plus haut de la rive gauche donc venté. La nuit y est très fraîche. Comme tous les grands vignobles ici, c’est un lieu limite. Nous sommes aux portes du parc de Gascogne, au milieu de la forêt, c’est donc plus froid. » D'où l'option de mettre les voiles, y compris de l'AOC.
Aperçu des vignes de Liber Pater mises sous voile d'hivernage.