« L'épisode de gel se termine par des gelées dommageables dans le Sud-Ouest de la France, le Var, et la haute Vallée du Rhône avec une grande variabilité des températures, classique d'un gel radiatif de printemps. Le Mistral aura protégé la Vallée du Rhône jusqu'au bout » indique l'agrométéorologue Serge Zaka de la société d'agri-intelligence ITK ce 5 avril sur son profil Twitter.
Consultant dans les Pyrénées Orientales pour l'Institut Coopératif du Vin (ICV), Laurent Duret a peur que les vignes de sa région aient connu des températures négatives cette nuit alors qu'elles avaient jusque-là été épargnées. « Il y a un risque que l'on voie des dégâts dans les prochains jours, mais ils seront a priori limités aux bas-fonds et bien plus ponctuels qu'en 2021 » anticipe-t-il, rappelant que la vigne était beaucoup moins avancée que l'an passé.


Comme lui, les techniciens viticoles des autres bassins ne veulent pas tomber dans le catastrophisme. « Certains viticulteurs vont être touchés, d'autres vont s'en sortir indemnes, sachant qu'a priori c'est dans l'Aube et le secteur de la Côte des Bars que le gel a potentiellement généré le plus de pertes du fait d'une humidité plus importante » témoigne Arnaud Descôtes, le directeur technique et environnement du Comité Champagne, qui ne peut à ce jour dresser aucun bilan.
« Le vignoble de Champagne est une mosaïque de 280 000 parcelles aux situations topographiques variées. Nos techniciens sont sur le terrain mais nous ne communiquerons pas de chiffres avant plusieurs semaines, le temps que les dégâts apparaissent et que les potentiels prochains épisodes de froid soient derrière ».
le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne rappelle que les températures sont descendues jusqu'à - 6C° sur certains coteaux de Chablis et se sont maintenues entre -2 et -4C° sur la Côte d'Or et la Côte Chalonnaise.
« Le Mâconnais a été relativement moins touché, autour de 0 à -1°C, voire -2 dans certains secteurs du nord, mais il est beaucoup trop tôt pour tirer les conséquences de ce nouvel épisode qui a mis les nerfs des vignerons à rude épreuve. Les techniciens vont employer les prochains jours à visiter les parcelles pour constater les dégâts éventuels. Un premier bilan devrait être possible la semaine prochaine ».
Dans l'Hérault, les températures les plus basses, autour de -5°C, ont été enregistrées dans les vignobles du Pic-Saint-Loup et de la Vallée de l'Orb. « Heureusement c'est là que la vigne est la plus tardive. Elle était souvent encore au stade bourgeon dans le coton, d'autant plus que les vignerons ont fait le nécessaire pour tailler le plus tard possible » constate Paul Hublart, chef de service viticulture de la Chambre d'agriculture.
« Le vent est tombé plusieurs heures dimanche et lundi et un gel radiatif a en revanche impacté les parcelles plus précoces de chardonnay ou de pinot. Dans les bas-fonds on note déjà parfois jusqu'à 50% de pousses gelées ». C'est à l'Ouest de Béziers et à l'Est de Montpellier que le froid aura fait le plus de dégâts. « Le centre du département semble avoir été relativement épargné grâce au vent. Nos techniciens feront une grosse tournée lundi prochain pour le vérifier ».


Même "optimisme" pour Francine Calmels à Gaillac. « Le sol est blanc ce matin et il a encore fait jusqu'à -1,5°C mais je pense que notre vignoble est globalement passé entre les gouttes. Le plus froid a été atteint hier, avec -4°C mais comme l'humidité était tombée les vignerons ont l'impression que la vigne a moins souffert que la veille » annonce l'œnologue. « Mes confrères de Cahors m'ont indiqué hier qu'en plaine certains vignerons avaient enregistré du -7°C et estimaient leurs pertes à 70%. Il semble également que le secteur de Bergerac ait été plus touché. Il faut attendre les prochains jours pour se faire une meilleure idée de la situation ».
« Impossible avant 15 jours de savoir quels impacts aura ce gel, il faut attendre que la vigne déstresse et redémarre » assure de son côté Philippe Abadie, directeur du service entreprises à la Chambre d'agriculture de Gironde.
Ce lundi 5 avril, il a encore fait -3°C dans le Médoc. « Mais le mal a été fait la veille avec -7°C. Tout ce qui était sorti a cramé. Reste à savoir comment vont se comporter les autres bourgeons ». Comme en 2021, les techniciens et vignerons de Bordeaux s'attendent à observer dans un même rang voire sur un même rameau à la fois des bourgeons pas ou peu touchés, et des bourgeons détruits.
Les chercheurs de l'Inrae et CNRS veulent participer au recensement des dégâts à l'échelle nationale et encouragent les citoyens à saisir leurs observations sur un outil en ligne. « Il s'agit pour chaque enregistrement de bien expliquer les dégâts observés en commentaires et surtout d'y joindre des photos » expliquent-ils.