lus les vendanges approchent, plus l’intérêt vigneron monte pour le bulletin de maturité du pôle technique et développement durable (Station Viticole) du Bureau National Interprofessionnel du Cognac (BNIC). Ses dynamiques régionales de maturation de l’ugni blanc sont scrutés par les techniciens, en véritable juge de paix. « Pendant les vendanges on entend beaucoup de choses, de chiffres venant de part et d’autre » reconnaît Vincent Dumot, ingénieur d'étude du pôle technique et développement durable du BNIC. « Pour donner des chiffres fiables, il faut une forme de rigueur et de cohérence des données dans le temps » ajoute Philippe Lesne, le directeur adjoint du pôle technique et développement durable du BNIC, qui souligne la force d’un « échantillonnage répété, reproductible et représentatif » chaque lundi de la véraison à la récolte depuis 1979 sur chaque parcelle suivie.
Ce millésime 2022, les prélèvements ont démarré le lundi 25 juillet, avec 20 grappes prises sur 20 mètres sur un réseau de 59 parcelles partenaires de la Station Viticole suivant une répartition géographique représentative des zones viticoles de l’AOC Cognac (sur tous les crus, en bio comme en conventionnel…). S’étalant sur une dizaine de semaines, les prélèvements sont réalisés par trois salariés de la Station Viticole, chacun suivant un circuit de prélèvement avoisinant 250 km du lundi matin au soir. Le mardi matin, les lots sont foulés à Cognac, où les jus sont envoyés au laboratoire d’analyse pour obtenir des données et alimenter le nouveau bulletin, communiqué d’ici le jeudi suivant, notamment aux 4 200 ressortissants du BNIC.
« L’interprétation des données est importante, elle permet d’affiner la tendance et de transformer des chiffres en information probable. Une projection qui s’affine avec l’avancée du millésime par cumul des données : en agronomie, il y a toujours des incertitudes » note Philippe Lesne, qui pointe cette année par exemple une vigilance sur la précocité des maturités et l’évolution des acidités. « En 2022, nous sommes sur un millésime chaud, comme les années 2020, 2018 et 2016 » met en perspective Vincent Dumot, qui souligne que face au changement climatique, « nos modèles existent pour une gamme de climat : si le climat change radicalement, on devra extrapoler, ce qui est risqué pour un millésime en dehors de la gamme. »
Outil précieux, « c’est notre observatoire stratégique sur comment évolue le raisin : c’est notre base de référence aux viticulteurs » pointe Philippe Lesne. Existant depuis 1979, le réseau maturité repose actuellement sur un mode opératoire répétable (avec des protocoles de prélèvement, de foulage, d’analyse…) et un modèle statistique (utilisant une base de données glissante sur les dix à vingt derniers millésimes pour avoir un contexte plus ou moins constant sur les pratiques viticoles et le changement climatique) explique Vincent Dumot. Pour le technicien, « l’une des utilisations les plus intelligentes du réseau maturité pour un viticulteur est de caler avec le lancement de leurs contrôles maturité. On ne peut pas sortir de conseils pour chacun. » Technique, cet observatoire alimente également les réflexions stratégiques de la filière (dans le cadre du Business Plan : rendements et autorisations de plantation). « On donne le film de la maturité à l’organe exécutif BNIC pour qu’il puisse prendre ses décisions en lien avec la réalité terrain » conclut Philippe Lesne.