vec le conflit en Ukraine, il y a de l’eau dans le gaz russe en Europe. Et le risque de ne pas pouvoir produire d’eau-de-vie à Cognac faute de gaz. Le sujet était à l’ordre du jour du conseil de bassin viticole Charentes-Cognac ce 24 juin, où « les appellations Cognac et Pineau des Charentes ont fait part de leur plus vive inquiétude et demandé de ne faire l’objet d’aucun délestage » indique un communiqué conjoint à la préfecture et aux filières charentaises. Fixée par décret AOC du premier novembre du millésime de récolte au 31 mars de l’année suivante, la campagne de distillation ne peut souffrir un risque d’une coupure de gaz : « tout délestage stopperait la production d’une année entière, les vins obtenus à l’issue de la récolte ne pouvant pas être stockés » (les vins blancs n’étant pas sulfités avant la double distillation).
Ayant coupé l’approvisionnement par gazoduc de la France, la Russie pourrait causer des pénuries de gaz l’hiver prochain, pour les particuliers comme les administrations et entreprises. Définies par le décret n° 2022-495 du 7 avril dernier, les modalités de délestage de la consommation de gaz naturel prévoient, en cas de nécessité, de couper l’alimentation en gaz en premier lieu aux « consommateurs produisant de l'électricité (jusqu'au niveau d'alimentation susceptible de remettre en cause la sécurité d'approvisionnement en électricité) », puis « les consommateurs de gaz naturel consommant plus de 5 gigawattheures par an » qui n’assurent pas « des missions d'intérêt général liées à la satisfaction des besoins essentiels de la nation, en matière notamment de sécurité, de défense et de santé » ou qui ne pas « susceptibles de subir des conséquences économiques majeures en cas de réduction ou d'arrêt de leur consommation de gaz naturel » et enfin tous les autres consommateurs de gaz naturel.
À Cognac, la filière recense une quinzaine d’opérateurs dont la consommation d’énergie dépasse les 5 GWh/an. Pour être inscrits sur la liste des « consommateurs sensibles économiquement », ils doivent remplir avant le vendredi 8 juillet une enquête menée, nationalement par le fournisseur GRDF. « Sur la base des informations, la préfète [Magali Debatte] sera amenée à décider quels sont les consommateurs qui relèvent de la liste de ceux qui sont susceptibles de subir des conséquences économiques majeures en cas de réduction ou d'arrêt de leur consommation de gaz naturel » indique la préfecture de Charente à Vitisphere., ajoutant qu’une nouvelle réunion aura lieu d’ici octobre sur le sujet.
Pour le Bureau National Interprofessionnel du Cognac (BNIC), les entreprises consommant plus de 5 GWh/an « devront absolument être en mesure de distiller sur toute la période autorisée sans quoi une partie conséquente du vin risquerait d'être perdue, ainsi donc qu'une part importante de la production de Cognac ». Rappelant les contraintes de la distillation charentaise*, l’interprofession ajoute qu’« une campagne de distillation dégradée aurait un impact très négatif sur toute l’économie de la région. Non seulement cette année mais aussi les suivantes, du fait du manque d’eau-de-vie que cela engendrerait, qui ne serait pas rattrapable, et ce alors que le gel et la grêle nous ont déjà fortement touchés. »


Consommant 300 à 400 GWh/an (dont 17 % de gaz russe, selon la moyenne nationale), la filière du Cognac demande aux pouvoirs publics des « garanties à court terme que les volumes de gaz nécessaires à notre prochaine campagne de distillation soient disponibles, sans risque de délestage durant la période de distillation du 1er octobre au 31 mars » et « la mise en place d’un dispositif pour compenser les hausses de prix déjà constatées ou à venir, passant soit par une adaptation des mécanismes annoncés par le gouvernement soit par la mise en place de solutions ad hoc. »
* « L’approvisionnement en gaz naturel est essentiel à la production du Cognac du fait de son cahier des charges et des exigences qualitatives qu'il encadre : le cahier des charges Cognac impose une double distillation entretenue par flamme nue, dont chaque chauffe dure au moins 8 heures et qu'il est impossible d'interrompre » indique le BNIC, ajoutant qu’« il est impossible de stopper les cycles de distillations une fois lancés, car les vins aptes à la distillation ne peuvent se conserver que très peu de temps » e