u foie à la foi. Figure majeure de la biodynamie dans le vignoble Français, Gérard Bertrand, des domaines et négoce éponymes, explique avoir changé son approche de l’entretien des vignobles à la suite de soucis médicaux lors d’une table-ronde ce 2 juin au forum international sur les sols vivants (par Moët Hennessy à Arles). Après une année d’expertises médicales infructueuses, Gérard Bertrand relie sa guérison du foie à la prise de médicaments homéopathiques. S’intéressant au sujet des traitements alternatifs, l’opérateur languedocien a fini par lire les cours aux agriculteurs de Rudolf Steiner : « j’ai dû le relire plusieurs fois. À la première lecture, je me suis dit que l’auteur planait très haut, avec des idées comme le lien entre l’air et le sol ou la connexion entre la plante et des planètes lointaines. »
Commençant par a conversion bio de 4 hectares en 2002, Gérard Bertrand approche désormais des 900 ha de vignobles en propre conduits en biodynamie et de 3 000 hectares d’approvisionnement en bio auprès de partenaires contractualisés sur 10 ans : « c’est pour ça qu’il est important d’avoir des partenaires qui croient que la bio et la biodynamie sont le futur de la viticulture » note Gérard Bertrand.
Ayant le rôle du contradicteur lors de la table ronde, Bruno Le Breton, à la tête de BLB Vignobles, note que s’il dirige la première entreprise viticole française à mission, qui va obtenir en 2022 la certification BCorp et affiche déjà les labels Terra Vitis et Haute Valeur Environnementale (HVE), souligne qu’« en France, on me pose toujours la même question : pourquoi n’êtes-vous pas en bio ? » Habitué à répondre à cette interrogation, son discours est tout prêt. L’œnologue considère que label bio a une image trop fortement ancrée sur la santé (« le label vert ne peut être accolé à des boissons alcoolisées ») et n’est pas au niveau des pratiques réellement appliquées au vignoble (« il n’y pas de limitation sur les quantités de fertilisation, sur la couverture végétale… »). Sans oublier le bilan carbone. Par exemple avec le souffre : « peut-être est-ce meilleur pour la biodiversité, mais comme il est issu de la pétrochimie, quid de la planète ? »
Une vision qui n’a pas laissé de marbre Gérard Bertrand, répliquant tout de go que « le souffre n’est pas seulement produit par la pétrochimie, c’est aussi un produit naturel que l’on trouve dans la nature ». Pour l’opérateur languedocien, de telles critiques s’inscrivent dans contexte de « greenbashing, notamment sur la bio : il ne faut pas opposer les modèles. Il faut juste se dire que la transition écologique prend du temps ». Et d’ajouter que « nous n’avons pas à créer une bataille entre les viticultures conventionnelles, bio et en biodynamie », puisque dans l’immédiat « la viticulture doit être un exemple de transition écologique pour l’agriculture ».


Une exemplarité que Gérard Bertrand étaie par une récente étude chiffrant la forte augmentation du nombre microorganismes dans les sols viticoles conduits en biodynamie par rapport à ceux bio, et encore plus par rapport à ceux conventionnels. Si de premières données existent, « la recherche manque encore : il n’y a pas beaucoup de respect et d’intérêt dans la communauté académique traditionnelle au sujet de la biodynamie » regrette Garett Long, le directeur de Troon Vineyard (Oregon), qui voit dans la biodynamie une pratique philosophique individuelle à maîtriser par l’usage, comme le yoga et la méditation.
« Ce dont nous parlons ce n’est pas de l’anthroposophie, c’est de la philosophie » souligne Gérard Bertrand, qui voit la biodynamie comme un « nouveau paradigme basé sur plus de sensibilité ». Et plus d’expériences : pour sa part, après 35 ans d’homéopathie, le négociant languedocien affirme sa bonne santé.