ans un entretien publié dimanche dans le quotidien suisse Neue Zürcher Zeitung ce 8 mai, Erik Fyrwald, le directeur général de l’agrochimiste Syngenta, a dénoncé l’agriculture biologique et appelé à opter pour une agriculture à plus forts rendements face au risque de pénuries alimentaires liées à la guerre en Ukraine.
Eryk Fyrwald a dressé une longue liste des écueils, selon lui, de l’agriculture biologique, citant notamment ses rendements plus faibles alors même que l’invasion de l’Ukraine, considérée comme le grenier à blé de l’Europe, soulève de vives inquiétudes pour l’approvisionnement alimentaire, comme indiqué par le journal Le Télégramme. « Les rendements de l’agriculture biologique peuvent être jusqu’à 50 % inférieurs selon les produits », a mis en avant le patron de ce géant des produits agricoles qui vend des engrais et semences.
Ces propos ont suscité de vives réactions chez les partisans de l’agriculture biologique en Suisse. Dans un tweet, le député membre des Verts Kilian Baumann, lui-même agriculteur bio, a qualifié ces arguments de « grotesques », estimant que Syngenta ne fait que « défendre son chiffre d’affaires » parce que « nous, les paysans utilisons toujours moins de pesticides ».
«On ne sait plus s'il faut être scandalisé ou révolté par les propos d’Eryk Fyrwald », a expliqué Raphaël Charles, ingénieur agronome au FiBL, l'institut de recherche de l'agriculture biologique, au journal Watson. « Le président de Syngenta fait un travail de lobby, il parle bien entendu pour ses intérêts, mais ce qu'il dit est tout simplement scandaleux. »


Parmi les écueils de l’agriculture biologique, Eryk Frywald a également affirmé qu’elle nécessite de plus grandes surfaces cultivables. De surcroît, les champs doivent généralement être labourés pour ce type d’agriculture, ce qui « augmente les émissions de CO2 », a-t-il affirmé dans les colonnes du journal zurichois. « La conséquence indirecte est que des gens souffrent de la faim en Afrique pendant que nous mangeons toujours davantage de produits biologiques ».
Il plaide en faveur d’une agriculture dite « régénératrice », à mi-chemin entre l’agriculture conventionnelle et biologique. Elle reprend les principes de rotation des cultures utilisés dans l’agriculture biologique tout en associant l’utilisation « ciblée » de pesticides, a-t-il défendu.
Selon M. Baumann, le député vert également président de l’Association des petits paysans, la crise devrait au contraire favoriser l’agriculture biologique.


« Elle est clairement plus indépendante des engrais importés et des pesticides de synthèse. L’agriculture biologique suit beaucoup plus une logique de circuit fermé et possède donc une plus grande résistance aux crises », a-t-elle souligné dans un courriel à l’AFP.
Selon les déclarations de Carla Hoinkes à l'AFP, responsable de l’agriculture et de l’alimentation chez Public Eye, une ONG suisse, « l’agro-industrie instrumentalise cette crise pour ses propres intérêts. Cette crise alimentaire est un problème sérieux », lié « au système de production alimentaire très dépendant des fertilisants et de la concentration des cultures » dans un nombre limité de pays. Selon elle, cette crise doit au contraire être l’occasion de repenser la production agricole, y compris de la production de biocarburants et du gaspillage alimentaire.