Christophe Veral : Le Cognac reste marqué par une très forte dynamique. Nous enregistrons de très bons résultats d’expéditions en 2021. Nous finissons l’année avec une hausse de +16,2 % en volume et de +30,9 % en valeur par rapport à 2020. Ce résultat en valeur découle d’une croissance relative des qualités vieilles et d’une bonne valorisation du Cognac sur ses marchés porteurs. La demande de Cognac n’a jamais été aussi forte sur nos marchés que cette année. Malgré les incertitudes liées aux conditions météorologiques, la récolte 2021 nous permet de soutenir la poursuite de notre croissance, alors que toutes les données disponibles nous mènent à être raisonnablement optimistes pour l’année 2022.
La filière a-t-elle déjà vendu plus d’eaux-de-vie par le passé ?
La filière Cognac n’a en effet jamais vendu autant de Cognac par le passé. Il y a 20 ans la filière expédiait 117 millions de bouteilles par an dans le monde, aujourd’hui nous sommes proche des 230 millions, nous prévoyons avec de dépasser le cap des 350 millions bouteilles à horizon 2035.
Avec ces bons chiffres, la filière Cognac confirme sa place économique majeure dans l’exportation des vins et spiritueux français et sa contribution dans la balance commerciale de notre pays.
Cette dynamique n’est pas dû au hasard. Le Cognac est un produit séculaire qui a su saisir au cours de sa longue histoire toutes les opportunités pour se développer aux quatre coins du monde et continuera encore longtemps.
Aujourd’hui, il y a une appétence historique des marchés pour le cognac. De nouvelles habitudes d’achat se sont confirmés pendant la crise Covid et nous sont favorables. On a élaboré des cocktails entre amis et on est allé chez les cavistes qui ont tous très bien joué le jeu, on a davantage acheté en ligne…
Ces tendances s’ajoutent à des mouvements de fond qui profitent au Cognac depuis des années : appétence pour les alcools bruns et les produits issus d’un terroir, développement d’une consommation plus experte des spiritueux découvertes, ampleur de la vague cocktails à travers le monde.
La viticulture et le négoce de Cognac, fédérés au sein d’une interprofession très structurée, contribuent ensemble à la dynamique de notre spiritueux sur ses marchés ainsi qu’à l’économie et au rayonnement de son territoire de production, les Charentes et quelques communes de Deux-Sèvres et de Dordogne.
C’est grâce au collectif que la filière Cognac titre et a toujours tiré sa force.
Pour accompagner cette croissance, le Cognac poursuit l’augmentation maîtrisée de son potentiel de production viticole. Le Conseil spécialisé FranceAgriMer a voté, mercredi dernier 12 janvier, les demandes de limitations de plantations de tous les vignobles pour l’année 2022, dont 3 129 hectares pour le Cognac. Prochaine étape : la publication de l’arrêté interministériel qui interviendra avant le 1er mars 2022.
La crise Covid est-elle une source d’incertitudes ou d’opportunités sur les marchés pour les cognacs ? Est-ce que toutes les qualités d’eaux-de-vie connaissent les mêmes tendances ? Quelles sont les perspectives pour les prochains mois (avec le nouvel an chinois notamment) ?
Résiliente dans le contexte sanitaire et géopolitique 2021, notre filière a performé sur ses marchés.
De nombreux acteurs du Cognac ont su saisir les opportunités de nouvelles tendances d’achat et de consommation.
En 2021, toutes les qualités de Cognac, sans exception, enregistrent une belle dynamique.
En ce qui concerne les principaux marché, les États-Unis, toujours en tête pour nos exportations, poursuivent leur progression avec une hausse de +11,1 % en 2021 par rapport à 2020 soit 115 millions de bouteilles de Cognac expédiées, sur les 12 derniers mois.
Pour la Chine les exportations atteignent 34 millions de bouteilles soit une hausse de +55,8 % sur ces 12 derniers mois. Les préparatifs du Nouvel An chinois ont commencé et nous prévoyons une belle dynamique sur notre second marché pour les prochains mois.
À noter que le marché français, cinquième marché du Cognac, poursuit encore sa progression autour de +20 %.
L’enjeu pour nous aujourd’hui est de répondre à la forte demande des marchés, de façon durable et dans le respect de la qualité.
Y-a-t-il un déséquilibre entre offre et demande pour les cognacs ?
Aujourd’hui la demande est très forte sur les marchés et les maisons ne peuvent pas répondre à la demande de tous leurs clients. Cette forte demande en Cognac est une satisfaction mais c’est aussi un challenge car nos concurrents eux sont là pour répondre à ses clients.
Il faut donc se donner les moyens de produire plus de Cognac. L’enjeu de cette mandature est clair, nous devons gérer notre forte croissance dans la durabilité et la qualité. Et c’est sur notre territoire que la bataille est menée.
C’est la raison pour laquelle nous augmentons depuis quelques années et régulièrement notre potentiel viticole et humain. La filière génère aujourd’hui 60 000 emplois et prévoit la création de milliers de postes, dans les années à venir.
La croissance charentaise effraie encore dans le reste du vignoble français, qui craint un revirement de marché et un afflux de vins blancs cassant les prix : que leur répondez-vous ?
Je souhaiterais d’abord souligner que nous avons d’excellentes relations avec les autres appellations viticoles, avec lesquelles nous avons su d’ailleurs faire corps sur la question des taxes américaines notamment.
Nos collègues du vin ont des interrogations légitimes mais ils n’ont aucune crainte à avoir.
Nous l’avons dit, les conditions de notre croissance sont réunies et nos prévisions solides. Nos perspectives business plan ne laissent aucun doute sur le fait que la demande en Cognac sera plus forte dans les prochaines années. Le dispositif de pilotage dont s’est doté notre filière permet d’éviter les risques de glissement que certains ont pu connaître il y a quelques années.
Le reste du vignoble français pourrait-il s’inspirer des modalités de concertation et de pilotage interprofessionnel du Cognac ?
Concernant notre structuration, effectivement nous bénéficions de décennies de travail collectif et structuré au sein de notre belle interprofession. Cependant, nous n’avons aucune leçon à donner à quiconque. Chaque filière a ses spécificités et mène sa concertation et son pilotage comme elle l’entend.
Face aux aléas climatiques, les outils charentais doivent-ils évoluer ou sont-ils suffisamment solides ?
Face aux aléas climatiques, nous disposons effectivement d’outils solides comme la réserve climatique qui permet de compenser les déficits de rendement provoqués dans ce cadre. Elle jouera un rôle important cette année encore.
La spécialisation du vignoble charentais dans le Cognac est-elle une force pour répondre à la demande croissante ou une faiblesse en cas de revirement de marché et de nécessité de diversification ?
Il y a une dynamique extraordinaire autour du Cognac dans la région. Le Cognac a tout ouvert ici depuis plusieurs siècles. Il fait le développement de la région et va continuer à le faire encore pour bien longtemps.