Avec une année somme toute particulière, nous avons la chance d’avoir échappé au pire à chaque fois » résume Anthony Brun, le président de l’Union Générale des Viticulteurs pour l'AOC Cognac (UGVC). Rappelant que les dégâts du gel de printemps sont estimés à 15 % (avec des taux de reprise meilleurs qu’en 2017), le vigneron charentais souligne que les 300 mm de pluies tombés depuis le 15 juin n’ont pas conduit à une catastrophe sanitaire, du moins « au prix de nombreux passages », sur une végétation heureusement arrivée à un stade moins sensible (sauf dans le cas de retards liés au gel). Dans l’ensemble, « la situation est plutôt bien maîtrisée » note Anthony Brun, qui note que la mobilisation reste générale alors que la météo reste pluvieuse ce début août.
« Le climat pluvieux depuis la seconde quinzaine de juin a généré une forte pression de mildiou, mais la maladie semble contenue et les pertes de récolte sur grappes ne concernent que des cas particuliers » confirme le Bureau National Interprofessionnel du Cognac (BNIC), qui souligne que « le vignoble est assez hétérogène, avec des grappes bien fournies dans une bonne partie du vignoble. Pour le moment, aucune conclusion ne peut être tirée quant au rendement définitif. »


Après des semaines de pluies et de traitements rapprochés, les vignerons charentais ont désormais un espoir : que le beau temps et l’été s’installent, enfin, dès la semaine prochaine, pour accompagner leurs grappes jusqu’à la rentrée. « Si tout va bien, il y aura une belle récolte » avance prudemment Jean-Philippe Painturaud des cognacs Painturaud Frères (40 hectares de vignes en propre en Grande Champagne, plus de la prestation de services pour 135 ha). S’étant « battu » face aux précipitations, le vigneron a vu le mildiou réussir à s’implanter sur feuilles (sur certains secteurs fortement, la plupart du temps seulement en haut de feuillage depuis 10 jours) et parfois sur grappes (sur les zones les plus arrosées).
Ayant dû raccourcir les cadences de traitement, Jean-Philippe Painturaud souligne avoir, comme beaucoup d’autres, « privilégié la récolte au calcul des IFT (Indices de Fréquence de Traitement), tout en ayant recours produits biocontrôles. Ce que l’on a voulu, c’est conserver les fruits. » Au stade de la fermeture de la grappe, le vignoble charentais devrait connaître ses derniers traitements contre le mildiou cette semaine, avec la stabilisation attendue de la météo pour les prochaines semaines : l’été doit désormais s’installer, après des mois de pluie.


En mettant à part les vignes gelées ce printemps et touchées par le mildiou, « les tendances sont prometteuses » note Jean-Pierre Grateaud, à la tête des vignobles Grateaud (46 ha en Borderies). Ayant un vignoble sain et indemne d’aléas climatiques (gel comme grêle), le vigneron charentais peut actuellement tabler sur un rendement 2021 de 14 hectolitres d’alcool pur par ha (hl AP/ha), tout en sachant que c’est « utopique, on est loin des vendanges, que j’attends pour le 25 septembre ». Tant que les raisins ne sont pas rentrés dans les pressoirs et les cuves, le vignoble préfère ne pas avancer de pronostics.
La prudence est d’autant plus de mise que les craintes de pourriture sont actuellement fortes. En sommes, la bataille du mildiou semble globalement gagnée, mais la guerre du millésime n’est pas remportée. « Depuis des années, on fait plus attention aux vers de la grappe qu’au Botrytis » note Jean-Philippe Painturaud, pour qui un signal inquiétant est « le feuillage très humide avec les pluies actuelles. Il faut de fortes chaleurs et de forts vents pendant 20 jours pour tout sécher. » Plus confiant, Anthony Brun souligne que Cognac a « la chance d’avoir un cépage majoritaire, l’ugni blanc, qui n’est pas le plus sensible au Botrytis. Ce qui sera important, c’est l’état sanitaire et la météo à la veille des vendanges. » Le président de l’UGVC mise sur de premières récoltes à partir du 15 septembre, pour un début des vendages aux alentours du 20-25 septembre.
En attendant les premiers contrôles de maturité de la Station Viticole, prévus mi-août, les décisions interprofessionnelles sur les rendements 2021 sont en suspens. La décision est attendue début septembre, pour être le plus précis possible face à une multitude de paramètres. « Tout en étant impacté fortement par aléas, le millésime s’annonce plutôt correct. Ce ne sera pas une grosse année, mais ce ne sera pas catastrophique » conclut Anthony Brun.