l y a trois semaines, l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) a accordé aux 4500 viticulteurs produisant du bordeaux ou du bordeaux supérieur, la possibilité de planter six des sept variétés qu’ils avaient demandées à tester à des fins d’adaptation de leur vignoble. Le petit manseng leur ayant été refusé, ils vont dans quelques mois pouvoir planter de l’alvarinho et de la liliorila en blanc, et de l’arinarnoa, du castets, du marselan, et du touriga nacional en rouge.
« Nous avions arrêté notre liste en assemblée générale en juin 2019 sur la base des essais réalisés depuis 10 ans par l’Inrae et l’ISVV sur la parcelle expérimentale « VitAdapt » plantée de 2600 pieds de 52 variétés du Languedoc, d’Espagne, d’Italie, de Grèce, du Portugal, de Bulgarie et de Géorgie » a rappelé, Florian Reyne le délégué général du syndicat lors d’une conférence organisée par le salon Vinitech ce 2 décembre.
« Nous avons anticipé la demande et serons prêts à livrer des greffés-soudés racines nues ou des plants en pot pour les premières plantations au printemps » a assuré Delphine Bougès. A termes, la présidente des pépiniéristes de Gironde et du Sud-Ouest redoute en revanche une pénurie de greffons. « Certaines variétés sont rares et nous risquons de manquer de vignes-mères » a-t-elle expliqué, en invitant les viticulteurs à en planter sur leurs terres vierges.
Pour aider les viticulteurs à faire leur choix, Olivier Yobregat, de l’IFV du Sud-Ouest, a listé les atouts de ces nouveaux cépages, en commençant par l’alvarinho dont 36 hectares étaient recensés en France en 2016. Bien plus présent en Espagne, au Portugal, ou à Malte, « ce descendant du savagnin murit trois semaines après le chasselas alors qu’il débourre deux jours avant ». Peu fertile sur les yeux de la base, il doit être taillé en taille longue. « Il est peu sensible au botrytis et donne des vins de grande classe aptes à être élevés en barrique, avec une bonne acidité et des arômes terpéniques » a indiqué le spécialiste du matériel végétal.
Le liliorila également très peu planté a été choisi pour son aptitude à donner des vins liquoreux avec des arômes de miel et de fruits blancs, et pour son port érigé.


L’arinarnoa a été obtenu par l’Inrae par croisement du tannat et du cabernet sauvignon. Ce cépage tardif n’est actuellement planté que sur 180 hectares en France. « Il est rustique, peu sensible aux maladies et donne des vins dans le pur style bordelais, dans la famille des cabernets » a encore illustré Olivier Yobregat.
Le castets est un vieux cépage originaire du grand Sud-Ouest présent dans le cahier des charges des appellations Palette et Estaing. Il est tardif et peut atteindre de hauts rendements en taille longue. Ses vins aux arômes de fruits rouges pourraient trouver leur place au sein des assemblages bordelais. « En revanche il donne peu de grappes en cordon de royat et est sensible aux maladies du bois » a tempéré Olivier Yobregat.
Le marselan est un cépage de troisième époque, avec une maturition longue et une très bonne fertilité. Il est peu sensible au botrytis mais exprime très fort la flavescence. « Il résiste à la sécheresse mais fait des baies minuscules alors que son rendement en jus est déjà faible en temps normal ». Il donne des vins de très bonne qualité. « Il tient si bien sur souche qu’il faut faire attention à la surmaturation ».


Le touriga nacional, cépage emblématique du Portugal qui n’est planté que sur 8 hectares en France « est en passe de devenir une star à l’international » a poursuivi Olivier Yobregat. Taillé à minima en guyot court pour atteindre les rendements d’appellation, il donne des vins colorés, tanniques, aptes au vieillissement et proches du style bordelais avec des arômes complexes de fruits mûrs. « Dans un contexte de réchauffement, il présente également l’avantage d’accumuler les sucres lentement. En revanche, comme il est essentiellement cultivé dans des régions sèches, on connaît encore mal sa sensibilité au mildiou ».
Les surfaces consacrées à ces nouveaux cépages ne pourront excéder 5% de la superficie de l’exploitation. Ils devront être assemblés dans la limite de 10% de l’assemblage final, sans référence sur l’étiquette des vins. S’ils ont fait leur preuve dans 10 ans, ils deviendront des cépages accessoires des cahiers des charges bordeaux et bordeaux supérieur.