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"Distiller est un constat d’échec structurel que certains ne veulent pas entendre"
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Bernard Jacob
"Distiller est un constat d’échec structurel que certains ne veulent pas entendre"

Premier opérateur des vins du val de Loire, le directeur général du groupe Orchidées dresse un état des lieux sans concessions de la filière à l’heure de la crise du coronavirus. Jugeant les mesures de distillation de crise et de stockage privé inadaptées pour la relance commerciale à long terme. Les oreilles vont siffler dans le vignoble, moins ligérien que bordelais, mais aussi dans l’administration, FranceAgriMer et ministère de l’Agriculture.
Par Alexandre Abellan Le 27 mai 2020
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P
ersonnellement et managérialement, comment vivez-vous cette pandémie de coronavirus ?

On parle souvent de l’avant et de l’après de cette crise. Mais je ne suis pas sûr que l’après soit si différent de l’avant. Cette crise a accéléré des tendances que l’on connaissait avant. Cette crise a été compliquée à gérer (avec la première difficulté du maintien de l’activité), elle l’est toujours. Parmi les côtés positifs de la crise, il y a eu l’obligation de travailler différemment. Nous sommes devenus des adeptes du télétravail et des visioconférences. Ça me permet de partager à plus d’échanges avec les collaborateurs, la distance étant rapidement un handicap dans la Loire. Ce n’est pas la panacée, mais cela permet d’être plus efficace. Ce qui ressort de cette crise, c’est l’importance de la communication avec les personnes.

 

Commercialement, comment analysez-vous cette crise sanitaire ?

Avec la fermeture du réseau des Cafés, Hôtels et Restaurants (CHR), nous n’avons sauvegardé que 10 % de notre chiffre d’affaires sur ce secteur. Idem pour l’activité de la vente en directe : la mise en place d’un drive et le développement du e-commerce n’empêchent pas d’enregistrer une baisse d’activités. Pendant la crise, nous avons perdu ces ventes, ce qui nous a conduit à mettre en place un chômage partiel pour s’adapter à cette perte d’activité. Nous avons une équipe de commerciaux sur le terrain pour les Grandes et Moyennes Surfaces. La situation est très contrastée entre les super et hypermarchés. Les supermarchés n’ont pas vu la crise et la consommation repart. Les hypermarchés ont stocké et les opérations programmées n’ont pas fonctionné. La préoccupation des chefs de rayon est de déstocker avant de recommander. On peut s’attendre à ce que le CHR fasse de même : dégager de la trésorerie pour vider les stocks et réorganiser les achats sur de plus faibles volumes.

 

Craignez-vous que la Grande Distribution mette l’accent sur les promotions/ses marques propres et entraîne une perte de valeur ?

Certainement. Dans ce redémarrage, nous aurons inévitablement des acteurs qui vont paniquer et vont vouloir rattraper les volumes perdus en baissant les prix. C’est humain. Mais cela ne va contribuer qu’à désorganiser davantage le marché. Cela devrait durer jusqu’à la fin d’année. Ensuite, on peut espérer un retour à l’équilibre, à un monde de demain proche de ce qu’il était avant.

Comme je l’ai dit, cette crise est un révélateur de tendances. On observe le développement du bio et il devient clair qu’à l’avenir il y aura trois marchés du vin. Le segment basique, ce qui est vendu au consommateur à moins de 5 euros en bouteille ou en BIB, plutôt en marque de distributeur (MDD). [Cette entrée de gamme] correspond à une demande significative en volume que l’on ne peut pas négliger et vers lesquels les consommateurs ayant des problèmes de pouvoir d’achat vont se tourner. Le segment premium demande une vie sociale pour être actif. Qu’il s’agisse des vins les plus chers ou des vins effervescents, ce marché a chuté, mais il va redémarrer dès que les gens pourront à nouveau sociabiliser. On sent déjà une reprise.

 

Quel est le troisième segment que vous évoquiez : un entre-deux où la concurrence est la plus forte ?

C’est en effet la zone la plus dangereuse : la vallée de la mort. Ce qui est inquiétant, c’est que beaucoup de vignerons, et de maisons de négoce comme la nôtre, sont dans ce ventre mou. Les produits n’y sont pas assez différenciés pour être vendus à un prix correspondant aux coûts de production. Ce modèle n’est pas hyper performant… Du moins, c’est notre analyse, qui n’est pas franchement nouvelle. Je le répète, la crise n’est qu’un révélateur, un accélérateur de tendances.

 

Que pensez-vous des aides à la distillation de crise, au stockage privé et aux exonérations de charge qui sont actuellement négociées nationalement ?

Je suis du côté du négoce. Au sein de l’Union Nationale des Maisons du Vin (UMVIN), on trouve que l’on ne prend pas assez le problème par le bon bout. On ne parle que de distillation, ce que l’on peut comprendre dans certains cas, comme Bordeaux, mais ce ne sera qu’une solution momentanée. Distiller est clairement un constat d’échec structurel, que certains ne veulent pas entendre, mais c’est la vérité. Bordeaux n’a pas un problème conjoncturel, mais structurel. Dans la Loire, le discours est plus raisonnable que dans d’autres vignobles, il n’y a pas de catastrophisme et une volonté de produire en équilibre avec le marché.

 

Vous faites partie des critiques de la distillation, craignant que les volumes envoyés à la chaudière soient remplacés par d’autres excédents après les vendanges. Mais qu’en est-il des autres mesures ?

On sent que certaines régions ne sont pas d’accord avec l’orientation de cette distillation. Malheureusement, la filière vin n’est riche que de la diversité de ses hommes. Il y a un vrai sujet de gouvernance. Les metteurs en marché sont mis à côté de la discussion, alors que l’on parle de sérénité et d’unité de la filière. Comme la distillation, le stockage fait partie des mesures qui ont un intérêt somme toute limité. Il faudra bien ressortir ses volumes à un moment, et rien ne dit que le marché sera alors mieux orienté. Il s’agit seulement de reculer pour mieux sauter. Les mesures d’exonération de charges sont plus intelligentes, elles représentent un vrai soutien aux entreprises.

Aujourd’hui, on ne parle que de mesures à court-terme, pour la fin d’année, alors qu’il faudrait se poser des questions de fond sur l’évolution du modèle économique de la filière, sur l’adaptation aux attentes sociétales de développement durable, sur le positionnement qualitatif de nos vins… Les mesures de relance sont compliquées. Chaque interprofession prépare un plan de communication nationale. Comme le Rhône et Bordeaux, la Loire va le faire. Ce sera en ordre dispersé pour le consommateur, mais le point positif est que l’on va parler de vin. Ça pourrait faire une caisse de résonnance comme les foires aux vins. Nous sommes dans un univers très concurrentiel, entre pays producteurs de vins, mais aussi entre boissons, la bière est notre première concurrente. Il faut voir comment communiquer sur le vin, qui, j’en suis convaincu, est un beau produit dont l’origine et la culture restent des avantages.

 

Quelles seraient alors vos solutions pour un plan de relance : plus d'aides à la communications et à la promotion ?

Il faudrait aider véritablement les entreprises qui ont un savoir-faire sur les marchés export. Des années de travail d’implantation ont été effacés, il faut réinstaller des produits, ce qui prend deux à trois ans sans retour sur investissement. Ce travail doit être accompagné. Le dispositif actuel de FranceAgriMer est kafkaïen. Nombre d’entreprises l’ont abandonné, et j’en fais partie. Le dispositif doit être retravaillé, il est anormal que des fonds européens ne soient pas utilisés.

Il est également inadmissible que nos vins soient pénalisés par une taxe de 25 % sur le marché américain. Nous nous battons tous contre ces mesures de rétorsions, mais dès que l’on en parle à l’Etat, et surtout au ministre de l’Agriculture, il se dégage rapidement sur l’Europe. Mais qui fait l’Europe ? On ne peut attendre de pays n’ayant pas soutenu Airbus aident les autres. Ceux qui ont soutenu Airbus doivent prendre leurs responsabilités. Il est absolument anormal d’être pénalisé pour ces aides, le vin est le troisième contributeur à la balance export française avec son activité de production sur le territoire. Rappelons qu’Airbus était le premier contributeur, mais n’a qu’une activité d’assemblage en France !

 

Le tourisme est une activité capitale pour votre groupe, notamment via Ackerman à Saumur. Quelles sont les perspectives en la matière ?

Nous avons réouvert mi-mai et les retours sont plutôt positifs. Nous avons vu un retour assez rapide des consommateurs : ça redémarre assez fort ! Nous sommes revenus à 50 % de notre chiffre d’affaires. Les gens confinés ont hâte de redécouvrir des choses, ils visitent plus leur région. Plus régional, notre visitorat est différent. Pour autant, je ne pense pas qu’il y aura une saison touristique normale cet été. Peut-être à tort, nous faisons une croix sur les visiteurs étrangers…

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