Les modes de consommation changent, c'est la fin de l'hyper-consommation, marquée notamment par la désaffection des grands hypers qui perdent du terrain au fil des ans, a expliqué Claire Piat, directrice division boissons fraîches chez Kantar.
Dans ce contexte, « deux courants s'affrontent : fin du mois contre fin du monde » : dans le premier se trouvent les consommateurs pour lesquels le prix et les promotions comptent beaucoup ; ils représentent une part grandissante, qui ont du mal à s'en sortir, voire pas du tout. « La sensibilité à faire des économies revient », constate celle-ci. La loi Egalim, qui a mis fin aux fortes promotions, a eu de plus un impact fort sur les ventes. Elle estime ainsi à près de la moitié des dépenses qui étaient réalisées sur les grosses promoitions (supérieures à 34%) qui ne se sont pas reportées, donc perdues pour le marché des boissons froides.
La seconde partie de la population considère que le « bien-manger » est la priorité ; ils sont attachés aux démarches environnementales, aux produits locaux, au manger « moins mais mieux » et changent leur manière de faire leur course.


« Il est donc difficile pour les distributeurs de répondre aux deux... », conclut l'experte.
La notion de plaisir reste par ailleurs forte pour le consommateur. Les boissons « sans alcool au positionnement plus naturel », comme les eaux gazeuses ou plates aromatisées, les boissons au thé, ou encore les jus de fruits frais, qui allient plaisir et santé, « s'y retrouvent donc bien ». A l'inverse, les achats de boissons alcoolisées, tout comme les sodas et colas, perdent du terrain. La tendance n'est pas donc porteuse: « L'univers concurrentiel se resserre pour les boissons alcoolisées », indique celle-ci. A noter également le développement de l'univers des boissons sans alcool (bières, vin et effervescents). « Désormais, toute boisson est concurrente du vin, confirme Eric Marzec, d'IRI. La grande distribution va mal, mais le rayon vin est encore plus mal orienté ».
A l'intérieur-même de cet « univers » qui se contracte, Claire Piat pointe du doigt la catégorie des vins tranquilles, qui perd elle-aussi des consommateurs. Ainsi, entre 2011 et 2018, elle estime ce nombre à 1,1 million de foyers acheteurs en moins. Toutes les strates d'âge sont concernées, y compris la catégorie des seniors (50-64 ans), traditionnellement consommatrice de vins rouges. Depuis 3 ans, la baisse de consommation est très marquée sur cette tranche d'âge. "C'est inquiétant, car ce sont les plus gros acheteurs", commente la spécialiste. Chez les jeunes, plutôt amateurs de vins blancs et rosés mais qui ont des niveaux de consommation faibles, la bière prend le pas sur les vins.
« Les foyers français se détournent des vins tranquilles au fur et à mesure des années », résume t-elle. Et compte-tenu du renouvellement générationnel, cette décroissance en volume des vins tranquilles devrait logiquement se poursuivre...
Cette année, la chute des volumes des ventes de vins rouges a été trop rapide pour être compensée par les ventes de rosé... qui elles-aussi sont en panne
En 2019, la chute des ventes de vins tranquilles s'est accélérée, autant en volumes (-5%, -53 millions L) qu'en valeur (-3,1%). « C'est comme si on avait arrêté de vendre du cidre », explique Eric Marzec, d'IRI, à propos des volumes perdus.
Cette chute se produit sur les vins rouges (-27,6 millions L) mais aussi, dans une moindre mesure, sur les rosés (-12,8 millions L). « La locomotive rosé est en panne, elle ne compense plus l'effondrement des vins rouges, commente celui-ci. La couleur ne va pas bien, ce n'est pas qu'un problème de manque de disponibilité ; la baisse des ventes va au-delà de la Provence ».
Quant aux blancs, ils ne décollent toujours pas, autour de 167 millions L.
Par catégorie, seules les IGP (sans cépages) résistent, avec -5000 hl entre 2018 et 2019. Les AOP enregistrent les pertes les plus importantes (–340000 hl).