Promesse de résultats
"Zéro résidu de pesticides", le label qui veut rassurer les consommateurs de vin

Alors que la jungle des certifications environnementales se densifie et perd aussi bien les consommateurs que les producteurs, un label pourrait répondre aux inquiétudes des premiers et valoriser les initiatives des seconds.
Pour la commercialisation de vin, la quête du graal est dans la recherche d’un outil de communication simple d’engagements de développement durable aux consommateurs. Du vignoble au négoce, cette quête semble actuellement osciller entre deux certifications : la viticulture biologique et la Haute Valeur Environnementale (HVE). L’une comme l’autre ayant leurs fervents défenseurs et zélés détracteurs, une troisième voie de mise en valeur des bonnes pratiques pourrait bien rebattre les cartes du débat : le label Zéro Résidus de Pesticides dans les limites de quantification (ZRP pour les intimes).
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« C’est une promesse claire et un message simple pour les consommateurs. Quand on montre des moyens techniques, on a du mal à les impliquer. Là, on donne un résultat qu’ils s’approprient et qui répond clairement à leur attente de produits plus sains » résume Julie Sabourin, la responsable technique du collectif Nouveaux Champs. L’association qui porte depuis janvier 2018 le label privé et réunit désormais 61 opérateurs agricoles, dont trois caves coopératives : d’abord Buzet en Lot-et-Garonne, puis Tutiac en Gironde et tout récemment Robert & Marcel en Maine-et-Loire. Trois opérateurs qui n’ont pas encore commercialisé une bouteille avec le label ZRP, mais qui devraient rapidement être rejoints par d’autres acteurs. Vignerons indépendants comme négociants.
« Je reçois actuellement beaucoup de sollicitations de la filière vin, notamment à Bordeaux qui n’a pas été épargné par attaques sur ses pratiques » note Julie Sabourin. « Cette communication est pertinente, surtout dans le vignoble de Bordeaux qui est soumis à une pression injustifiée suite à des reportages à charge » confirme Eric Hénaux, le directeur général de Tutiac, dont les vins ont été récemment analysés par des antiphytos. Officiellement labélisé Zéro Résidu de Pesticides ce 9 octobre, il précise que « Tutiac a interdit les pesticides classés Cancérigènes, Mutagènes et Reprotoxiques (CMR) sur ses 4 200 hectares. Mais ce n’est pas un engagement communicable aux consommateurs. Le ZRP est un moyen de s’engager et de le montrer. »
« Plus que de la communication aux consommateurs, c’est une réponse à une pression sociétale forte. Dès que l’on illustre un article sur les pesticides en France, on montre un tracteur dans les vignes » ajoute Pierre Philippe, le directeur de la coopérative de Buzet. Qui souligne que l’outil n’est pas encore opérationnel au sein de sa cave, mais en loue déjà la « robustesse » scientifique et la « force » de sonengagement. Buzet s’y connaissant en la matière, ayant essayé en 2017 label 0 % Pesticides de Vin et Santé, qu’elle a abandonné car « la démarche se limitait à analyser 80 résidus, ce qui n’était pas sérieux ».
Le label zéro résidu de pesticides n’indique pas l’absence d’utilisation phytopharmaceutiques, mais bien leurs réductions viticoles, en quantité et nocivité, et leur non-détection dans les vins souligne Julie Sabourin. Qui précise que la liste des 250 résidus surveillés comporte « par défaut toutes les matières actives autorisées en vigne, celles retirées sur les dix dernières années (en cas de rémanence) et celles décriées (par exemple le glyphosate). Auxquelles s’ajoutent d’autres molécules selon le risque de contaminations croisées (en cas d’autres cultures voisines…) ». Faisant appel à des laboratoires accrédités Cofrac (Phytocontrol, Dubernet, Excel…), ces analyses sur cuves avant assemblage et sur lot après embouteillage doivent valider des concentrations inférieures aux limites de quantification pour les 250 molécules analysées.
Et ce même si d’autres sources de contamination peuvent expliquer la présence de certains composés chimiques (comme les phtalimides, pouvant être issus du folpel, mais pas que). « Nous nous engageons à ce qu’il n’y ait pas un résidu ou une matière active dans le vin. Il ne peut pas y avoir de dérogation, on se doit de garantir l’absence de traces » souligne Julie Sabourin. Promettant aux consommateurs un engagement de résultats, le label Zéro Résidu de Pesticides impose également des moyens et bonnes pratiques à ses adhérents. Son cahier des charges détaille ainsi un référentiel et impose une grille d’audit pour éviter les résidus de pesticides (limitation des matières actives de synthèse et de leurs doses, suivi des Indices de Fréquence des Traitements…).
Créé en 2017 pour les tomates et fraises des paysans de Rougeline, le logo Zéro Résidus de Pesticides se décline désormais sur une trentaine de fruits et légumes frais et transformés. « L’enjeu est de rendre visible ce logo en rayons par les consommateurs sur le plus de produits possibles » estime Eric Hénaux, qui va commercialiser 50 hectolitres sous le label au début 2020, en mettant à profit des parcelles en fin de conversion bio.
Avant même que le label s’enracine dans le vignoble et essaime, les critiques commencent à naître à son encontre. Certains opérateurs jugeant que la mise en avant de l’absence de résidus phytos jette l’opprobre sur les autres vins conventionnels, tandis que d’autres soulignes qu’avec l’amélioration des analyses œnologiques, les seuils de détection ne peuvent que descendre jusqu’à ce qu’aucun vin conventionnel ne puisse prétendre au label Zéro Résidu de Pesticide.
« Le zéro est une valeur absolue. Il faut le manier avec prudence pour que ce ne soit pas un pin’s sur du vin bio qui n’en a pas besion, mais le résultat d’un travail de fond et d’une démarche qui doivent encore aboutir » prévient Pierre Philippe, qui n’a pas encore de visibilité sur la première commercialisation de vins de Buzet sans résidu de pesticides*. Cette quête du graal n’est pas encore bouclée, mais le vignoble se découvre au moins une nouvelle table ronde pour la faire aboutir.
* : La cave de Saumur, Robert & Marcel, devrait produire en 2020 son premier vin Zéro Résidu de Pesticides, pour une commercialisation en 2021.
Annuelle, l’adhésion au collectif Nouveaux Champs est proportionnelle au chiffre d’affaires de l’entreprise. « Son coût varie de 5 à 15 000 euros/an » précise Julie Sabourin. Quand un opérateur commercialise un produit labélisé Zéro Résidu de Pesticides, il cotise à hauteur de 1 % du chiffre d’affaires généré par sa vente. Les coûts d’audit (« 700 à 800 €/jour ») et d’analyses (« 400 à 600 € ») sont également à la charge de l’opérateur.