près les multiples incendies de l’été, c’est un appel à la prudence en cette période de vendanges dans le vignoble méridional : « il faut être vigilant, quand on identifie une parcelle avec un risque significatif ou avéré [de goût de fumée]. Si possible, il faut la vinifier à part pour éviter de contaminer la cave » conseille Vincent Bouazza, ingénieur en chimie analytique aux laboratoires Dubernet (Narbonne). En un mois, le service d’analyses fines qu’il dirige a réalisé 150 analyses pour suivre trois molécules marquant le goût de fumée : le gaïacol, le méthyl-gaïacol et l’ortho-crésol.
Les premiers résultats révèlent une ampleur significative des contaminations dans l’Hérault et surtout l’Aude. Portant des nuages de fumées parfois important, les vents ont pu contaminé des parcelles se trouvant à quelques kilomètres des feux : « il n’y a pas que les vignes à 200 mètres de l’incendie qui sont touchées. Certains à 2 km sont autant contaminées » rapporte Vincent Bouazza.


Dans le pire des cas, les analyses ont mesuré des concentrations pour chacun des trois traceurs de l'ordre 5 microgrammes par kilogramme de raisin. « La majorité des teneurs sont faibles, mais il existe un risque d’évolution en goût de fumée » prévient Vincent Bouazza, qui fait déjà état de cuvées marquées par des goûts et odeurs de cendre, qui masquent le profil organoleptique habituel du vin. Sur le terrain, ces arômes sont « difficiles à sentir sur raisin et pas évidents à percevoir sur moût. Le défaut se révèle souvent en fin de fermentation alcoolique » souligne l’ingénieur en chimie.
Le laboratoire Dubernet conseille donc de séparer les lots à risque pour en voir les évolutions. « Si au final il n’y a pas ou peu d’intensité de goût de fumée,le jeu des assemblages permet généralement d'éviter la perception du défaut. Mais si le goût de fumée est plus fort, il y a peu de solutions » note Vincent Bouazza. Dans le cadre réglementaire actuel, il est en effet inenvisageable d'utiliser des techniques correctives, type charbon œnologique, pour modifier le profil aromatique d'un vin aux arômes brûlés. Pour mieux connaître les leviers de réaction œnologique face aux goûts de fumées, des essais de vinifications sont prévus par la Chambre de l’Agriculture de l’Aude.
Se retrouvant dans le bois chauffé pour l’élevage des vins, les composés responsables du goût de fumée ne sont pas toxiques et peuvent être masqués avec l’utilisation de barriques et de bois œnologiques frais ou peu chauffés. « Cela apporte des composés (vanilline, whisky-lactone, méthylfurfural…) qui peuvent améliorer le goût de fumée en s'approchant du résultat d’une chauffe plus forte » explique Vincent Bouazza.


Proposant des analyses des goûts de fumée sur raisin, moût et vin pour une centaine d’euros, le laboratoire met en garde sur les limites actuelles des protocoles. « On ne mesure que trois traceurs, ce ne sont pas les seuls composés responsables du goût de fumée en cas de contamination. Il y a aussi des précurseurs glycosylés qui ne sont pas détectés et sont libérés durant les vinifications et pendant l’élevage » prévient Vincent Bouazza, qui souligne que « si aujourd’hui on a l’absence des traceurs ou une faible présence, cela ne veut pas dire que d’autres composés n’apparaîtront pas ensuite ».