abituées aux matériels les plus high-tech, les paillasses d’analyses œnologiques pourraient prochainement accueillir du matériel de bureautique le plus classique pour réaliser des analyses de maturité décidant de la date de récolte en rouge. C’est du moins la perspective ouverte par le projet bordelais ScanPEP, qui propose de transformer un scanner d’imprimante en un indicateur de maturité des pépins. « Il faut une configuration particulière, ce n’est pas non plus une simple photocopieuse. Mais un scanner permet d’avoir une meilleure image qu’une photo » explique Amélie Rabot, maître de conférences pour l'Unité de Recherche œnologie à l’Institut de Sciences de la Vigne et du Vin (ISVV).
Avec l'aide d'une doctorante en thèse, la chercheuse travaille depuis 2014 sur le projet pour permettre de rationaliser davantage les décisions de vendanges des raisins rouges ? D’abord dans le Bordelais, puis ailleurs. « Il y a peu d’indicateurs sur la maturité des pépins, hormis la traditionnelle dégustation de pépins. Sa pratique n'est pas remise en cause mais elle reste très empirique et limitée par l’effet de saturation au bout de quelques pépins croqués » souligne Amélie Rabot.
En développement, ce nouvel indice de maturité se base sur le changement de couleur des pépins. Verts avant la véraison, ils virent ensuite au jaune et progressivement au marron. Peu visibles à l’œil nu, ces nuances sont captées numériquement par le scanner. Le traitement numérique d’images permet de niveler les teintes sur des niveaux de gris, qui sont transformés en histogrammes permettant d'attribuer des couleurs artificielles et de noter sur 10 le niveau de maturité grâce à des corrélations statistiques entre couleurs et analyses biochimiques (l’incontournable indice de Glories).
Réalisant des échantillons sur quatorze parcelles d’un réseau de suivi de maturité depuis 2015, les chercheuses bordelaises ont une base de données de 7 000 images qui permet de donner de la robustesse à l’indicateur en cours de développement sur des parcelles et cépages bordelais (essentiellement cabernet sauvignon et merlot, mais aussi petit verdot et tannat). Concrètement, ScanPEP demande 20 pépins nettoyés, par exemple prélevés à l’occasion d’un ramassage de 200 baies pour un suivi de maturité. Robuste pour les cépages et terroirs bordelais, l’outil doit encore être testé pour d’autres variétés et conditions.


Simple dans sa mise en pratique, cet outil ScanPEP achève actuellement sa première phase expérimentale. Maintenant que les mesures au scanner donnent des indices de maturité, il faut les corréler avec des potentiels d’extractibilité des tanins pour permettre la mise en application de l’outil. Soutenues par le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB), des vinifications expérimentales sont en cours avec la Chambre d’Agriculture de Gironde (CA33) et l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV).
Ayant l’objectif de déployer l’outil dans le vignoble en 2020, Amélie Rabot souligne que « cet outil d’aide à la décision doit être plus juste que précis. C'est un indicateur supplémentaire dans la caractérisation de la maturité phénolique. Il ne doit pas être considéré seul. » Que l’on soit rassuré, si elles pourraient prochainement accueillir des scanners, les paillasses œnologiques garderont bien l’outillage high-tech qui les distingue des bureaux de la comptabilité.