Pékin ce jeudi 27 mars puis à Shanghai ce vendredi 28 mars, le ministre des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, est en mission pour faire retomber la pression de l’enquête antidumping chinoise qui menace d’aboutir dès ce 5 avril à des taxes de 35 % en moyenne sur les eaux-de-vie de vin français (les brandies : soit Cognac au premier rang et Armagnac au deuxième). Entre risque de décision mettant en place définitivement ces mesures de rétorsion ou possibilité d’obtenir une prorogation de 3 mois de la procédure pour en négocier la fin, « le dialogue avec la Chine sur les sujets commerciaux se poursuit, y compris au plus haut-niveau. À Pékin, le ministre Jean-Noël Barrot insistera sur un impératif pour la France : avancer unis, en Européens, sur ces dossiers. Il est en effet primordial de montrer que l’Europe sait se mobiliser, sans naïveté, pour défendre ses intérêts » indique à Vitisphere une source diplomatique (l’origine de cette enquête antidumping se trouvant dans le conflit sur les voitures électriques entre Pékin et Bruxelles). Cette source ajoutant que « sur les sujets commerciaux, la France garde une priorité claire : garantir des conditions de concurrence équitables, dans le respect des règles du commerce international ».
« Ce qu'on demande c'est qu'on nous laisse faire notre business » alertait récemment Florent Morillon, le président du Bureau National Interprofessionnel de Cognac (BNIC), rapportant que les expéditions charentaises vers la Chine sont déjà en chute de 65 % sur les 4 derniers mois (-60 millions € d’exportation par mois). Avec la visite du ministre en Chine, « nous souhaitons qu'à cette occasion il demande l'arrêt total de cette procédure injuste et donc l'arrêt des droits intermédiaires » indiquait le président du BNIC, qui demandait que « dans la foulée, le Premier ministre, comme s'y était engagé le président de la République, au mois de novembre, se déplace en Chine pour solder définitivement ce dossier. Que nous puissions passer à autre chose sur la Chine » en n'étant plus otage d’un conflit extérieur.


Car « quel est le rapport entre les véhicules électriques et le cognac ? Bien sûr, il n’y en a aucun » posait également la négociante Patricia Gaborieau, vice-présidente de l'AOC Cognac, pointant que la manœuvre peu diplomatique consiste à « viser spécifiquement la France qui s'était targuée d'être à l'origine de la décision européenne. Les autorités chinoises ont donc cru que la France saurait défaire ce qu'elle se targuait d'avoir initié. Et donc aujourd'hui, la filière cognac est la victime collatérale d'un contentieux qui la dépasse avec des enjeux commerciaux totalement déséquilibrés. » Même sans fondements, cette enquête a des impacts concrets sur l’économie charentaise : arrachage, plans sociaux… dans la vigne, les négoces, les fournisseurs et la vie des territoires.
Il faut dire qu’« aujourd'hui, le marché chinois se ferme à une vitesse effroyable » rapporte Patricia Gaborieau, qui relève la « forte accélération depuis le mois d'octobre compte tenu de la mise en place des droits provisoires (qui se sont traduits par des cautionnements bancaires) et le coup de massue de décembre avec la fermeture du duty-free (représentant 25 % des expéditions en Chine, avec une impossibilité de réassort à cause de l’enquête antidumping). »
« Nous travaillons avec la Chine sur le plan diplomatique, le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot va fin mars en Chine pour évoquer le report de la date butoir et le retour du cognac et de l’armagnac dans les rayons de duty-free des aéroports concernés » indiquait dans un récent entretien, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, pointant que « les négociations se conduisent entre la France et la Chine elle-même, qui a déployé des enquêtes et a imposé à la filière des cautions en attendant une décision la date butoir du 5 avril. Nous allons voir comment se déroule cette mission. Il n’est pas exclu que le premier ministre fasse le déplacement en Chine. »