n géopolitique, la crise s’ajoute à la crise pour les spiritueux français. Alors que se cristallise le conflit américain sur l’acier et l’aluminium européens avec la brutale menace du président Donald Trump d’imposer 200 % de taxes sur les vins et spiritueux français, les eaux-de-vie d’Armagnac et de Cognac restent empêtrées dans la guerre commerciale entre Bruxelles et Pékin sur les voitures électriques : avec l’ouverture en janvier 2024 d’une enquête chinoise antidumping et la mise en place de cautions douanières depuis octobre 2024. Depuis « la Chine a stoppé net d’importer. C’est dingue comme des années d’investissements commerciaux peuvent tomber en un instant » constate Jérôme Delord, le président du Bureau National Interprofessionnel de l’Armagnac (BNIA). Rencontré lors du salon ProWein ce dimanche 16 mars à Düsseldorf, l’opérateur gascon a « l’impression que tout passe au rouge en même temps. Sans que ce soit de notre fait. On n’y est pour rien. »
Une impression d’injustice doublée d’un sentiment d’abandon du gouvernement. Ayant répété ses demandes d’intervention au premier ministre, François Bayrou lors de sa visite à la Rochelle ce vendredi 14 mars, le Bureau National Interprofessionnel du Cognac (BNIC) indique que le chef du gouvernement va envoyer son ministre des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, les 27 et 28 mars prochains en Chine. L’objectif affiché étant d'ouvrir une discussion bilatérale pour lever les taxes touchant les bouteilles de Cognac et d'Armagnac. Une avancée attendue avec impatience, mais devant encore déboucher sur du concret pour les opérateurs des spiritueux fatigués par des mois d’écoute sans action. Alors qu’aux difficultés en Chine s’ajoutent les menaces américaines.


« On est considéré comme une simple monnaie d’échange » regrette Jérôme Delord, qui pointe que la filière des spiritueux sentait le coup américain venir : « cela fait longtemps que Cognac et Armagnac disent que l’on n’y est pour rien et que ça va être grave si l’on est taxés. Les politiques nous disent oui oui, mais au final l’Europe décide de taxer à 50 % les bourbons et on arrive à la menace de 200 % de taxes. A ce niveau, c’est l’arrêt total. » Si les marchés chinois et américains représentent 70 % des ventes totales de cognacs (exportés à 97 % en 2024), l’Armagnac présente une commercialisation plus diversifiée (40 % en France, 60 % export). Mais dans le marasme partagé par tous les marchés (entre inflation persistante et risques géopolitiques), cela ajoute de l’incertitude à des temps déjà très incertains pour Jérôme Delord qui ne sait plus où vont les marchés. Les temps sont flous, les gens du vin en deviendraient fous.