a Provence avait ses crus classés depuis 1955, elle a désormais son cru ! Ce 6 février, le comité national des appellations d’origine relatives aux vins de l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) vote à l’unanimité la reconnaissance en cru de la Dénomination Géographique Complémentaire (DGC) Sainte-Victoire pour l’appellation Côtes-de-Provence en rouge et rosé. Alors que le dispositif de passage d’une DGC à la mention de cru existe depuis 2022, « c’est une première » souligne Caroline Blot, la responsable du pôle vins, boissons spiritueuses et cidres de l’INAO, soulignant qu’il s’agit de la reconnaissance d’« une belle DGC » qui va désormais connaître 2 mois de Procédure Nationale d’Opposition (PNO) : « on ne s’engage pas sur les dates. Mais s’il n’y a pas d’opposition, ce sera opérationnel dès 2025 » précise Caroline Blot.
S’il est possible de revendiquer l’appellation Côtes-de-Provence cru Sainte-Victoire sur le millésime 2025, cela marquera le résultat de 33 ans de mobilisation : l’Association des Vignerons de la Sainte-Victoire ayant été fondée en 1992 et réunissant actuellement 350 producteurs (dont les adhérents de 4 caves coopératives). Des « vignerons se sont regroupés » car « ils se sentaient un peu à l’écart à l’époque » note Jean-Jacques Balikian, le directeur de l’association*, comme l’ilot de la Sainte-Victoire est entouré par les Coteaux d’Aix en Provence et les Coteaux Varois, ces derniers les séparant du reste de l’AOC Côtes-de-Provence. Un isolement qui est désormais complétement rompu pointe Jean-Jacques Balikian, l’appui de l’Organisme de Défense et de Gestion (ODG) ayant permis d’obtenir un cadre réglementaire aux spécificités de ce vignoble de contrefort montagneux.


« Initialement Sainte-Victoire était une appellation sous-régionale, ce qui n’est pas terrible pour la valorisation. Ensuite elle est devenue DGC, ce qui était mieux. Maintenant, c’est un cru et on peut parler de terroir et valoriser tout le travail » indique Jean-Jacques Balikian, notant les sols maigres de ce vignoble d’influence continentale, où le mistral de la vallée du Rhône est marqué, tandis que le massif de la Sainte-Baume limite au Sud l’influence de la mer Méditerranée. Délimitée, l’aire de production est limitée à 2 700 hectares classés. En 2024, il y avait 600 hectares sous DGC pour 30 000 hectolitres produits : une montée en puissance progressive pour maintenir la valorisation des vins rapporte Olivier Sumeire, le président de l’Association des Vignerons de la Sainte-Victoire
« Au-delà de son caractère réglementé, la notion de cru parle à tous dans le monde entier. On sait que l’on parle de vin, que l’on est en haut de la hiérarchie » note Olivier Sumeire, voyant dans l’obtention de la mention de cru la possibilité de tenir « un discours de différenciation commercial qui ouvre des portes et permet de rajouter des lignes, tout en restant dans la grande famille des Côtes-de-Provence. On est une filiale qui ne renie pas sa maison mère. Dans un contexte plus difficile, il est toujours intéressant de raconter une belle histoire. Souvent dans le commerce, ça se finit comme ça. »


Ayant porté le projet de cru Sainte-Victoire, Éric Pastorino, le président de l’ODG Côtes-de-Provence, salue « le travail collectif » ayant permis « un premier grand pas pour la hiérarchisation des Côtes-de-Provence. C’est un engagement sur la valeur ajoutée, sur la premiumisation et sur l’organisation de notre appellation. C’est la première marche pour une construction pyramidale. Ce n’est peut-être qu’un début… »
Ce passage de DGC en cru de Sainte-Victoire « ouvre la voie, mais il n’y a pas d’autres demande à date » précise Carole Ly, la directrice INAO, relevant « une augmentation des demandes de DGC pour hiérarchiser, segmenter et créer de la valeur dans le contexte de marché actuel. Au même titre qu’il y a des modifications de cahiers des charges pour demander de nouvelles couleurs en AOC ou pour désalcooliser en IGP. »
À noter la reconnaissance par le comité national de deux DGC pour l’appellation Pineau des Charentes : Île de Ré et Île d’Oléron.
* : Véritable mini-syndicat viticole, l’association a son directeur et des équipes administratives et techniques. Ainsi qu’une maison des vins au sein du grand site de la Sainte-Victoire, sur la commune de Saint-Antonin-sur-Bayon (Bouches-du-Rhône), avec des bureaux, une vinothèque et un restaurant.