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Les vignerons bios disent non aux phosphonates !"On ne peut pas faire n'importe quoi avec le label"
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Protection des vignes
Les vignerons bios disent non aux phosphonates !"On ne peut pas faire n'importe quoi avec le label"

Touche pas à mon label ! Même en difficulté, ces vignerons bio ne sont pas prêts à autoriser les phosphonates, comme le réclament les bios allemands. Pour les opposants français, il en va de la crédibilité de leur démarche.
Par Bérengère Lafeuille Le 12 février 2025
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Les vignerons bios disent non aux phosphonates !
Pour Pierre-Henri Cosyns vigneron en Côtes de Bourg, autoriser les phosphonates en bio "reviendrait à ouvrir une boîte de Pandore en faisant entrer un produit de synthèse à action systémique dans le cahier des charges bio ! " - crédit photo : DR
I

l pensait avoir vécu le pire en 2021, l’année de sa conversion bio. Perdu : il y a eu 2024. « Nous avons apporté 5 kg de cuivre/ha en 27 passages, et pour quel résultat ? 12 hl/ha en moyenne sur nos 6,5 ha », témoigne Albin Martinot, vigneron à Bar-sur-Seine, dans la Côte des Bar (Aube). Avant sa conversion – qu’il ne regrette pas –, il utilisait des phosphonates. « J’essayais déjà de limiter les phytos en intégrant du biocontrôle, explique-t-il. J’associais des phosphonates à du folpel, un fongicide de contact, pour profiter de leur effet stimulant et de leur action systémique. Sans être aussi efficaces qu’un produit systémique conventionnel, ça marchait. Ce serait plus facile s’ils étaient autorisés en bio ! Cela ne me choquerait pas dans la mesure où ce ne sont pas des produits dangereux. Mais le fait qu’ils soient obtenus par synthèse me semble incompatible avec le label. »

Le salut avec le matériel

Albin Martinot mise sur d’autres moyens de lutte, comme l’huile essentielle d’orange douce, « efficace s’il ne pleut pas juste après ». Et voit plutôt le salut du côté du matériel. « C’est en ayant une pulvérisation plus efficace que l’on pourra réduire les doses de cuivre », estime-t-il.

La limite de 4 kg/ha, même lissée sur sept ans, commence à inquiéter François Landais. « On a atteint la limite du bio à Bordeaux », lâche le propriétaire du Château La Caderie, 20 ha en bio à Saint-Martin-du-Bois (Gironde) depuis plus de vingt ans. « J’ai obtenu 32 hl/ha en 2023 et 17 hl/ha cette année, soupire-t-il. Et je gère un autre domaine en bio, où j’ai fait 10 hl/ha puis 28 hl/ha. On ne peut plus gérer le mildiou avec nos moyens actuels. »

Pour autant, les phosphonates ne l’emballent pas. « Je manque d’informations sur leur efficacité, les résidus dans le vin, etc., hésite-t-il. Et les difficultés que nous traversons ne viennent pas que du cahier des charges bio. À Bordeaux, beaucoup de domaines ne sont plus rentables. On n’a plus de marché intéressant et même la vinification devient compliquée à cause de l’évolution du climat. » 

Peut-être faut-il regarder du côté des cépages résistants

« L’étau se resserre, abonde Nathalie Roussille, viticultrice à la tête de la cave des Vignerons de Buzet (Lot-et-Garonne). Vu les prix du marché, il faut faire un minimum de rendement et on y arrive de moins en moins. On vit des printemps tropicaux et on est tout le temps sur le pont contre le mildiou. » Si elle et son mari ont sauvé leur récolte en 2024 en dépassant à peine les 4 kg/ha, elle s'inquiète de la répétition des années difficiles. « On est démunis, lâche-t-elle. Mais on ne réglera pas tout avec davantage d’intrants. Il y a beaucoup de paramètres : l’exposition des parcelles, la ventilation, l’encépagement… Le merlot est très sensible ; peut-être faudrait-il regarder du côté des cépages résistants ? » Et pourquoi pas les phosphonates ? Nathalie Roussille réserve son avis, se jugeant mal informée, notamment sur leur efficacité et les résidus qu’ils laissent dans les vins. Elle a un principe : « Nous ne pouvons pas faire n’importe quoi avec le label bio qui est connu et reconnu par les consommateurs. »

"Leur efficacité n'est pas fabuleuse"

Pierre-Henri Cosyns, lui, connaît bien le sujet. Ce vigneron des Côtes de Bourg, administrateur de France Vin Bio, s’est penché sur ce dossier. « Leur efficacité n’est pas fabuleuse, assène-t-il. Sur les millésimes à forte pression, les retours de terrain des conventionnels sont décevants. D’ailleurs, en 2024, à Bordeaux, certains bios s’en sont mieux sortis que des conventionnels. Surtout, cela reviendrait à ouvrir une boîte de Pandore en faisant entrer un produit de synthèse à action systémique dans le cahier des charges bio ! Et il serait difficile de retracer l’origine des résidus d’acide phosphoreux laissés dans le vin : comment saura-t-on s’ils proviennent de phosphonates ou d’un autre produit de synthèse non autorisé en bio ? »

Dans ses vignes, il a sauvé sa récolte avec quinze passages en 2023 et en 2024, et un peu plus de 4 kg de cuivre/ha. « Mais il suffit parfois qu’un tracteur soit en panne ou qu’un salarié soit malade pour tout perdre », admet-il. Pour autant, le label bio reste selon lui un atout. « Si j’arrête la bio ou si elle perd sa crédibilité, je perds mes arguments commerciaux. »

"Un bio convaincu ne revient pas à la chimie"

« Un bio convaincu ne revient pas à la chimie : il fait le dos rond en attendant que ça passe, confirme Olivier Renard, vigneron à Villié-Morgon, sur 4 ha dans le Beaujolais. En 2024, on était sans arrêt sur la brèche. J’ai géré le mildiou avec 6 kg de cuivre/ha au lieu d’1,5 kg normalement. » Malgré cela, l’autorisation des phosphonates n’est « même pas un sujet », balaie-t-il. « Pour moi, l’idée est plutôt d’adopter une autre approche en noyant le mildiou dans une biodiversité abondante. En plus des extraits de plantes, j’apporte de la lifofer (litière forestière fermentée) : ce cocktail de micro-organismes qu’on asperge sur le sol et les feuilles va concurrencer les pathogènes. Chez moi, cela marche. »

À Mercurey, Pierre Virot a fait treize traitements l’an dernier et apporté 4,2 kg cuivre/ha, contre 3 habituellement, pour récolter 45-50 hl/ha en blancs et 10 à 25 hl/ha en rouges. « J’ai choisi d’être en bio donc j’accepte que mon rendement décroche parfois, philosophe-t-il. Et mes voisins en conventionnel n’ont pas toujours fait mieux. Si on veut des armes plus puissantes, il faut des produits de synthèse à action systémique. Mais ce serait incohérent en bio. Nous devons garder la confiance du consommateur. Et nos détracteurs saisiraient l’occasion de dénigrer encore plus la bio. »

Un risque d’effondrement commercial

Pascal Boissonneau, Président des vignerons bio de Nouvelle-Aquitaine "L’idée d’autoriser les phosphonates en bio est poussée par l’Allemagne, mais il n’y a aucun élément neuf depuis les avis déjà rendus par le groupe Egtop (1) en 2014 et 2019. Pour nous, les phosphonates ne sont pas conformes au règlement bio puisqu’il s’agit de produits de synthèse avec une action systémique. Avec le cuivre, matière active multisite qui ne provoque pas de résistance connue, nous sommes armés contre le mildiou. Certaines années, on ne peut pas sauver 100 % des raisins. Mais on constate que ces années-là, les conventionnels utilisant des phosphonates se retrouvent dans les mêmes impasses que les bio ! Notre position est qu’il faut défendre la limite de 28 kg/ha de cuivre sur sept ans et parallèlement rechercher des alternatives. Nous sommes proactifs sur ce sujet. Mais les phosphonates, c’est non ! Leur efficacité n’est pas à la hauteur des espérances et cela reviendrait à galvauder notre label. Les consommateurs français perdraient confiance. Et certains marchés à l’export se fermeraient car les équivalences actuelles seraient caduques avec les pays qui interdisent les phosphonates en bio. En bref, on prendrait le risque d’un effondrement commercial pour un produit pas miraculeux…" (1) Expert Group for Technical Advice for Organic Production.

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Tous les commentaires (8)
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Christophe84 Le 20 février 2025 à 07:27:30
Il est vrai que doubler le nombre de ses passages et de ses doses de cuivre à l'hectare est certainement plus bio que ces pauvres phosphonates (déjà détectés naturellement selon les qualités des eaux de remplissage chez des bios). Approche aasez dogmatique avec un fort impact sur les prix de revient .. Dommage
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Benji Le 16 février 2025 à 10:16:40
Lobby bio français dans sa splendeur ! Continuer comme ça et on pourra importer encore plus de bio étrangers pauvre france
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DARIUS Le 15 février 2025 à 13:25:18
Les phosphonates ont été acceptés dans le bio dans certains pays à un moment donné car ils ne présentent absolument aucun inconvénient pour la santé ou autre. Ils ont été finalement refusés pour un argument de communication. A partir du moment ou le bio les acceptait on ne pouvait plus dire que les produits bios sont des produits naturels. Cela montre bien que le souci premier du bio c'est la com.
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Olivier Metzinger Le 14 février 2025 à 17:24:32
C'est tout le problème du BIO, mais surtout de beaucoup de BIO qui sont dans la croyance plus que dans la science. Ils s'inquiètent des résidus de phosphonate, pas de ceux du cuivre, du soufre et du reste. Il ne faut pas chercher de rationalité. Par contre je crois qu'ils n'ont pas encore entendu parler du seuil à 2.5Kg de Cu/Ha/an sur lequel la commission Européenne travaille... C'est pas quand ça sera acté qu'il faudra se demander comment on fait. Idéalement il faudrait des cépages résistant qualitatif, à priori les NGT peuvent peut être permettre cela assez rapidement (à l'échelle de la recherche), mais comme ils sont aussi contre ce sera compliqué.
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FE Le 14 février 2025 à 17:09:55
Effectivement, quel dommage de se passer de ce produit ! En Bordelais les années se suivent et se ressemblent avec un mildiou très virulent (beaucoup de vignes en friches en Gironde); la barre des 28Kgs/7 ans sera très vite dépassée...sans garantie d'assurer des rendements décents. Nous pouvons chercher d'autres pistes (cépages résistants, etc) mais il y a quand même une urgence à court terme afin de garantir des rendements corrects, donc pérenniser nos exploitations. Je pense que l'utilisation de phosphonates peut être expliquée de façon transparente à nos clients.
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Gasoil et cuivre Le 14 février 2025 à 16:45:45
Quel dommage effectivement de se priver d'un outil inoffensif et efficace. Je suis vigneron au Quebec. Nous avons un climat tropical humide en été. Le mildiou est un énorme problème mais je n'ai jamais eu de pertes de récoltes causées par le mildiou. Je suis le cahier des charges bio avec l'ajout d'un seul produit à base de phosphonates. Je n'ai jamais dépassé 2kg/ha de cuivre.
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PA Le 13 février 2025 à 09:15:52
Quel dommage de ne pas réaliser l'opportunité d'autoriser les phosphonates pour encourager plus de conversion et sécuriser le rendement des bio. Les phosphonates sont des produits de synthèse certes mais des produits de synthèse sont déjà utilisé en Bio (confusion sexuelle) sans parler du soufre aujourd'hui largement issu de la pétrochimie ... La prophylaxie et la sélection variétale sont des axes aussi très importants mais soyons réaliste ! Attention à ne pas déviser les écrous avec un tourne-vis.
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jacob Le 12 février 2025 à 18:16:56
il existe des ions phopshites stabilisées produit en allemagne qui sont particulièrement efficace et avec un faible impact écologique. Quel dommage cet entetement........
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