rofesseur à Bordeaux Sciences Agro et à l'Institut des sciences de la Vigne et du Vin (ISVV), Cornelis van Leeuwen invite les vignerons présents au Rocher de Palmer de Cenon (33) pour le forum sur la biodiversité organisé ce 14 janvier par le Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB) à davantage faire savoir que leurs vins à appellation d’origine contrôlée (AOC) sont plus vertueux sur le plan environnemental que les vins de cépage. « Bien adapté au climat tempéré local, le merlot n’a pas besoin d’être irrigué comme il doit l’être dans le Languedoc, illustre-t-il. On dit souvent que le vignoble du Languedoc a besoin d’être irrigué à cause du changement climatique, mais la réalité est que le vignoble du Languedoc a besoin d’être irrigué parce qu’on a décidé d’y cultiver du merlot et de la syrah à la place du carignan et du grenache ». Cornelis van Leeuwen propose aux bordelais de communiquer sur leur empreinte eau, inférieure à 10 litres par litre de vin produit, quand elle est comprise entre 100 et 500 litres dans les vignobles irrigués. « Il faut le dire, comme le fait le domaine Montes Alpha au Chili en affichant « Sustainable dry farmed » sur ses étiquettes » insiste-t-il.
Bien adaptés au régime hydrique local, les cépages bordelais vont-ils supporter le changement de régime thermique ? « Dans un premier temps, le changement climatique va profiter au cabernet-franc et au cabernet-sauvignon, historiquement un peu trop tardifs, mais le sauvignon et le merlot risquent rapidement de sortir de la fenêtre de maturité idéale comprise entre le 10 septembre et le 10 octobre », modélise le professeur de viticulture. Des essais sur merlot, cabernet franc, et malbec ont montré que le choix des clones pouvait faire gagner jusqu’à 8 jours sur la date de mi-véraison et perdre jusqu’à 1% vol. alc. aux vendanges. « En prenant le scénario RC 8.5, on calcule que ce levier sera suffisant jusqu’en 2050. Ensuite, il faudra aussi jouer sur l’encépagement, en diminuant la proportion du merlot au profit du cabernet franc et surtout du cabernet sauvignon, un cépage historique très résistant aux fortes températures et à la sécheresse », détaille Cornelis van Leeuwen, incitant en plus les vignerons à s’intéresser aux cépages « secondaires », comme le colombard en blanc et le petit verdot en rouge. Il est également possible de planter l’une des six variétés d’intérêt à fin d’adaptation (alvarinho et liliorila en blanc, arinarnoa, castets, marselan, et touriga nacional en rouge) autorisées en bordeaux et bordeaux supérieur depuis 5 ans.


« Les essais réalisés par l’Inrae et l’ISVV sur la parcelle « VitAdapt » et ceux mis en œuvre par Bernard Magrez à la Tour Carnet invitent aussi à s’intéresser au fer servadou, dont les arômes rappellent ceux de la carmenère, au duras et au vinhão, qui ressemblent au cabernet franc et au merlot, et au manseng noir, proche du cot et du petit verdot », continue Cornelis van Leeuwen, peu inquiet pour l’avenir du vignoble de Bordeaux. « Nous avons la chance d’avoir un vignoble d’assemblage, dont l’encépagement a évolué de tous temps, et qui peut continuer à le faire sans perdre sa typicité », termine-t-il.