e matin d’octobre, au centre des Douanes de Montpellier, Valentin Pinto et son collègue Jeoffrey Miquel se préparent pour un rendez-vous en visioconférence avec Agathe Puel, une viticultrice qui démarre son activité sur une petite surface. Valentin Pinto est responsable de la cellule de conseil aux entreprises. Jeoffrey Miquel dépend, lui, du service réglementation tous secteurs confondus.
Valentin Pinto briefe son collègue : « Agathe Puel se développe à l’international, notamment au Japon. Pour exporter, elle a demandé son numéro EORI, (l’identifiant indispensable pour exporter). Son service de rattachement à Bagnols-sur-Cèze l’a orientée vers moi pour bénéficier d’un rendez-vous d’accompagnement sur ses obligations douanières. »
À 10 h 02, la visio commence. Valentin et Jeoffrey expliquent à la vigneronne le déroulé de la réunion et précisent qu’un compte rendu écrit lui sera envoyé à la fin. Le ton est cordial et rassurant. Agathe est encouragée à poser des questions.
À 10 h 10, elle prend la parole : « Je suis installée depuis vingt mois. Pour ma première récolte, j’ai travaillé sur 60 ares en commodat. En 2024, j’ai récupéré 2 ha supplémentaires en fermage. J’ai fait ma première mise en juillet, et je commence à commercialiser mes bouteilles en vin de France. J’en ai vendu environ 600 et à l’export, j’ai obtenu un marché au Japon. » Son amie Clémentine qui assiste à la visio l’aide pour le secrétariat et la déclaration de récolte. Elle s’est occupée de son premier DAE (document administratif électronique) pour sa toute première vente au Japon. Une commande de 40 cartons destinée à un importateur basé à Tokyo « qui n’est pas encore arrivée », précise-t-elle.
Agathe Puel poursuit : « Quand je n’avais pas de ventes, les DRM (déclaration récapitulative mensuelle) étaient à zéro. C’était simple. Mais maintenant que les ventes commencent, je veux m’assurer d’être bien dans les clous. Tout est nouveau pour moi. J’ai besoin de comprendre les formalités douanières. »
Avant de parler d’exportation, Jeoffrey Miquel lui propose de dérouler la liste complète de ses obligations douanières. La vigneronne est partante. Il commence par les formalités liées au parcellaire. Il enchaîne sur la déclaration de récolte et lui conseille : « Déclarer dès le départ vos vins dans la catégorie dans laquelle vous envisagez de les vendre en précisant le cépage, même si des changements peuvent intervenir par la suite. Dans votre cas, ce sera syrah et grenache sans IG. »
Agathe indique qu’elle n’a rien récolté sur certaines parcelles à cause du mildiou. Comment en tenir compte dans la déclaration de récolte ? La réponse de Jeoffrey Miquel est sans équivoque : il est impératif de signaler ces pertes. « Vous isolez les parcelles, ou en tout cas la surface sur laquelle vous n’avez rien récolté. Vous mettez une récolte à zéro et indiquez le motif et le cépage. Cette démarche est primordiale car elle a une incidence directe sur les volumes de déchets que vous devrez livrer en distillerie. »
Quid des échantillons ? Jeoffrey Miquel répond : « La notion d’échantillon commercial n’existe pas fiscalement. Que vous envoyiez des bouteilles pour une dégustation à l’étranger ou dans un salon, elles doivent être traitées comme une vente classique, avec fiscalisation. Droits d’accise pour la France et DAE pour l’export. » Valentin Pinto ajoute : « Chaque envoi doit être accompagné d’une facture, même si celle-ci affiche un montant nul ou symbolique. » Son conseil : utiliser des factures proforma. « Pour l’export, c’est autorisé. » En revanche, « les dégustations au caveau sont des sorties non taxables, tout comme la consommation familiale. Elles sont à faire figurer dans une rubrique dédiée de la DRM ».
Il est 11 heures. Agathe et Clémentine suivent toujours avec assiduité la visio malgré la complexité des démarches. Les douaniers enchaînent sur la Marianne que la vigneronne n’appose pas sur ces bouteilles et l’avertissent : « Pour les ventes en France en droits acquittés à des professionnels, s’il n’y a pas de capsule, il faut faire un document simplifié d’accompagnement (DSA) dans Gamma. Ensuite, soit vous imprimez votre DSA, soit simplement la facture sur laquelle vous indiquez le numéro de référence du DSA. »
Agathe avoue : « Je n’ai pas fait de DSA pour mes ventes du mois dernier. » Les douaniers la rassurent en expliquant que, fiscalement, elle est à jour « si c’est bien déclaré dans la DRM. Mais à partir de maintenant, c’est le DSA automatiquement ». Au passage, Valentin Pinto concède : « C’est sûr que le DSA, ce n’est pas forcément le document d’avenir. Pour le moment, c’est comme ça. S’il y a une modification, vous en serez informé. »
Il est 11 h 15. L’entretien se poursuit sur les problématiques d’export en Espagne et en Suisse. À chaque fois, les douaniers répondent avec pédagogie. À la fin de l’entretien à 11 h 40, Agathe quitte ses conseillers sur une note d’humour : « Je vous recontacterai d’ici deux mois car j’aurai 154 questions, pour ne pas dire 1 000. »
Depuis septembre 2024, il est possible de corriger certaines informations du CVI, telles que le cépage ou le porte-greffe, sur le module de déclaration de modification du parcellaire planté de Parcel. Ces changements doivent être validés par les services administratifs. Depuis 2023, les vignerons peuvent vendre en Europe à des entrepositaires non agréés, comme des cavistes allemands ou des supermarchés belges. L’avantage ? Vous n’êtes plus obligé de passer par un intermédiaire. Il vous faut pour cela solliciter un agrément d’expéditeur certifié et vous assurer que votre destinataire est certifié lui aussi. Pour toute expédition, il faut émettre un DAES (Document d’accompagnement électronique simplifié) dans Gamma 2 et envoyer la marchandise en droits acquittés, accompagnée de ce document. Vous payez les assises françaises sur votre DRM. Dès que votre client réceptionne la marchandise, vous pouvez demander le remboursement de ces droits.