n 2023, treize caves coopératives d’Occitanie faisaient leur « coming-out » commercial avec un nouveau modèle de coopération visant à répondre à la demande de gros importateurs à l’international. Sous la bannière commune « Bulk by Languedoc Team », le groupement – désormais composé de douze caves* – était présent pour la deuxième année consécutive à la World Bulk Wine Exhibition les 25 et 26 novembre à Amsterdam. « Ce n’est pas une révolution mais un nouveau modèle et nous pensons qu’il y a une place à se faire », estime Philippe Amphoux, directeur général de Maison Sinnae à Chusclan (30) et coordinateur du groupe. « Notre point fort est la traçabilité, nous restons producteurs ». Si BBLT a pu froisser les susceptibilités de certains, ses membres se défendent de vouloir marcher sur les plates-bandes d’autres opérateurs. « Nous ne cherchons pas à devenir des négociants. Il y a des gens qui font ça très bien », explique Benjamin Andrieu, directeur des Terroirs du Vertige à Talairan (11). « Notre but est de proposer une voie encore différente, tout en conservant une structure légère », et qui n’a rien à voir non plus avec une activité de courtage.
Conjoncture oblige
L’objectif n’est pas uniquement de regrouper les volumes pour répondre à des demandes volumiques, à l’image des appels d’offres lancés par les différents monopoles. Cette année, la structure peut également jouer un rôle dans un contexte de baisse de la production : « Le groupement permet de compenser partiellement certaines diminutions de volume chez quelques-uns de nos membres », confirme Benjamin Andrieu, qui souligne la capacité du groupe à proposer des lots de l’ordre de 20 000 hectolitres. Pour Philippe Amphoux, BBLT trouve aussi sa justification dans la réduction du potentiel de production : « Le vignoble va se réduire, il y a un vrai intérêt à se regrouper ».
Spécialisation des pôles
Autre mutation profonde : le niveau de professionnalisation et de services attendu par les acheteurs de vins en vrac. Le profil des vins a été retravaillé cette année et un effet de spécialisation est privilégié. « Flores, Sinnae et Clochers et Terroirs sont les trois caves coopératives qui se prêtent le plus à la réception des vins, techniquement et juridiquement. Maison Sinnae est la plus adaptée à la logistique car elle dispose de plusieurs certifications, alors que Flores est plutôt spécialisé dans les blancs et rosés ». Pour rappel, chaque cave gère la vinification du produit autour de différents profils. L’acheteur peut sélectionner des prestations complémentaires, puis retirer les vins à un seul endroit avec une seule facture.


Loin des caricatures d’expéditions anonymes de lots de vrac en conteneur, le secteur se spécialise indéniablement. « De manière rapide, nous sommes passés à une hyper-professionnalisation du métier », corrobore Eric Lanxade, directeur de SudVin, la filiale dédiée au vin en vrac de l’union InVivo. « L’écosystème du vrac évolue très vite, avec des demandes très spécifiques ». Et d’évoquer, par exemple, la teneur en calories des vins : « Aujourd’hui on nous demande plus de vins à faibles calories que de vins bios ! » Les teneurs en alcool aussi deviennent un critère crucial, au vu de l’évolution de la fiscalité dans de nombreux pays, et des goûts qui changent. « Avec notre gamme de chardonnay, sauvignon, merlot et syrah à 11%, nous pouvons proposer des vins mûrs qui cochent beaucoup de cases. On peut argumenter avec des produits comme ceux-ci, même sur des marchés à prix comme l’Allemagne ». Notant une multiplication du nombre de clients pour des demandes de plus en plus pointues, Eric Lanxade estime que la fiabilisation et la maîtrise de la chaîne d’approvisionnement représente l’un des grands enjeux du secteur : « Il faut que la chaîne de valeur aille jusqu’aux vignerons sur un modèle vertueux ». Cela, sachant que « Nous ne sommes plus sur l’hectomania. Tout est question d’organisation et de business vertueux. C’est ce que je veux accompagner ».
Sécurisation et fiabilisation du sourcing
Des avis partagés par Florian Ceschi, directeur de Ciatti Europe basé à Montpellier. « Les acheteurs veulent la sécurité et la fiabilité de la chaîne d’approvisionnement. Le prix n’est pas la principale problématique ». Dans ce contexte, et vu les difficultés qu’a connues le transport maritime en haute mer ces dernières années, on assiste à une réorientation vers les approvisionnements européens. « Les solutions locales sont de plus en plus recherchées », affirme le courtier. « C’est légèrement plus cher mais c’est plus sûr aussi ». La sécurisation du sourcing s’avère d’autant plus importante que les flux sont de plus en plus tendus : « Depuis trois ou quatre ans, la plupart des acheteurs ne détiennent pas de stocks. Ils achètent quand ils sont sûrs de pouvoir vendre les produits car ils savent qu’ils peuvent recevoir rapidement la marchandise. C’est une évolution fondamentale des pratiques ». Florian Ceschi confirme ainsi la multiplication du nombre de contrats portant sur de plus petits volumes : « Chez Ciatti Europe nous sommes passés à environ 500 contrats par an, soit à peu près le double de ce que nous connaissions avant. Il faut beaucoup plus de souplesse que par le passé ».
*Cellier Lauran Cabaret, Celliers d’Orfée, Florès, Clochers et Terroirs, Les Vignerons du Castelas, Maison Sinnae, Les Collines du Bourdic, Les Vignerons Créateurs, Vignerons des Capitelles, Vignerons de Montfrin, Terroirs du Vertige, Vignobles de Carsac