éril en la demeure pour le réseau girondin de 139 générateurs diffusant par le sol de l'iodure d'argent pour lutter contre les orages de grêle. Mobilisant 350 bénévoles*, cette structure collective de gestion des risques climatiques en Gironde « pourrait disparaître en 2025 si aucune décision n'est prise pour consolider son financement » prévient le viticulteur médocain Dominique Fédieu, le président de l'Association départementale d'étude et de lutte contre les fléaux atmosphériques de la Gironde (Adelfa 33). « Nous terminons l'année 2024 avec une dette vis à vis du national de plus de 72 000 euros. Nous avons diminué le temps de travail de notre seul animateur réseau » poursuit le conseiller départemental du canton Sud-Médoc (Parti Socialiste), qui pointe qu’« en 2024, le financement départemental pour l'Adelfa est passé de 165 000 à 20 000 €, du fait de difficultés financières, avec la perte de 140 millions d'euros de droits de mutation pour le département ».
« Il faut sauver le système Adelfa. L’Adelfa a ses imperfections, mais ces dernières années il y a eu d’énormes effort de maillage et d’activation de postes. On est sur la bonne voie » regrette Jean-Marie Garde, le président de la Fédération Grands Vins de Bordeaux (FGVB), rappelant que dans le vignoble « les professionnels sont impliqués dans le programme Adelfa, historiquement porté par le conseil départemental, avec de nombreuses imperfections, les viticulteurs sont impliqués avec une cotisation à 1,5 €/ha » Alors que le changement climatique augmente les risques d’orages de grêle et que l’assurance multirisque climatique est sous le feu des critiques, « nous sommes à un nouveau tournant pour l'association » résume Dominique Fédieu, rapportant qu’« une conférence des financeurs a été organisée en juin pour évoquer le sujet du financement de la lutte contre la grêle, même si les alertes sur le sujet sont plus anciennes. Des contacts avec la région Nouvelle Aquitaine ont été pris. »


Mais il semble que cette alternative à un financement départemental soit sans avenir. « La région ne finance pas l’Adelfa dans son fonctionnement. C’est le département qui le faisait et qui remet aujourd'hui en cause leur intervention » indique-t-on à l’hôtel régional de Nouvelle-Aquitaine, précisant qu’« il n’a jamais été question que la Région compense. La région intervient sur les investissements et sur l'innovation avec VitiRev. » Ne cachant pas son amertume, Jean-Marie Garde constate que « tout le monde se défile. Le conseil général s’est retiré pour une part importante et brutale alors qu’il aurait pu réduire sa participation de manière moins drastique et plus progressive. La région aurait pu aider sur l’investissement pour la modernisation et l’automatisation des postes s’il n’y a pas d’intervention possible sur le fonctionnement. Les collectivités locales sont aussi concernées, il n’y a que quelques mairies qui participent, notamment dans le Libournais. Les assureurs pourraient aussi participer, mais il doit être plus simple pour eux d’augmenter les cotisations » que de financer la prévention.
1,5 €/ha à Bordeaux
Avec la cotisation à l’Adelfa 33 pointant actuellement à 1,5 € par hectare de vigne (un cofinancement depuis 2016 avec le département et des mairies), Dominique Fédieu précise qu’« elle ne permettra pas de maintenir le réseau Adelfa. Le bon niveau de cotisation serait autour de 4 euros pour moderniser le réseau et le parachever ». Jean-Marie Garde ne le cache pas : « dans le contexte actuel, il est difficile pour la viticulture de mettre la main à la poche et doubler la cotisation. » Président de l’Association nationale d'étude et de lutte contre les fléaux atmosphériques (Anelfa), Dominique Fédieu peut comparer Bordeaux « à d'autres bassins viticoles et arboricoles [qui] financent la prévention grêle avec des cotisations qui oscillent entre 4 euros l'hectare dans le Madiran jusqu'à 8 euros en Bourgogne et parfois jusqu'à 12 euros dans le Sancerre. » Faute de financement, des réseaux sont déjà tombés par le passé, comme celui de la Haute Garonne en 2023. La Gironde n'a pas la seule Adelfa en peine, celle des Pyrénées-Atlantiques connaissant également des difficultés économiques suite à la baisse des dotations départementales.
Ayant fortement renforcé son réseau sur la façade atlantique et le sud de la Gironde (ainsi que testé des générateurs automatisés), l’Adelfa 33 ne veut pas baisser les bras. « Ce serait dommage de devoir abandonner » confie Dominique Fédieu, qui alerte les départements voisins : « le réseau girondin est de première importance pour les réseaux charentais, de Dordogne ou encore du Lot-et-Garonne. C'est le premier maillon de lutte régional du fait de sa façade atlantique. » Sachant que « la lutte contre la grêle ne concerne pas que la viticulture, puisque nous protégeons aussi les biens des personnes dans leur ensemble. Cependant, seule la viticulture semble avoir conscience de la nécessité d'avoir une action dans la prévention contre la grêle et de la financer » souligne le président de l’Adelfa 33 (qui a lancé moins de 10 alertes sur le millésime 2024 pour la Gironde, contre une vingtaine en moyenne par le passé).
N'étant pas monolithique, le vignoble girondin ne se protège pas qu'avec des générateurs d'iodure d'argent. La solution de ballons Selerys à sels hygroscopiques est appliquée par le conseil des vins de Saint-Emilion depuis 2021 et se déploie également à Saint-Estèphe. « Le système de Saint-Émilion et Saint-Estèphe peut être considéré comme une protection complémentaire. Il faut sauver le socle Adelfa que certaines appellations peuvent compléter par d’autres systèmes alors que les orages changent. Il faut conserver le système de base pour garder une protection » indique Jean-Marie Garde, qui reconnait que la lutte antigrêle suscite toujours des critiques et de l'incrédulité chez certains vignerons : « il n'y a pas de système sûr à 100 % » .
* : « Nos bénévoles s’essoufflent et nous avons des difficultés à les remplacer. Certains générateurs sont ainsi en sursis » précise Dominique Fédieu.