n ne peut pas dire que la campagne d’arrachage définitif actuellement mise en œuvre ravisse le Mouvement de Défense des Exploitants Familiaux (MODEF). Lors d’une visioconférence de presse ce 18 octobre, Didier Gadea, le président de sa commission viticole le martèle : « tous ceux et toutes celles qui demandent l’arrachage de vigne se soumettent au libéralisme et la loi du marché ». Pour le viticulteur de Montagnac (Hérault), « l’arrachage n’est pas et ne sera pas la solution. Demander d’arracher des vignes alors que nous avons un système d’autorisation de plantation qui régule et libéralise la plantation des vignes est un non-sens. » Le porte-parole viticole du MODEF en voulant pour preuve l’exemple des 14 500 hectares de plantations nouvelles ces dernières années à Cognac* : « tous les volumes de vins blancs qui ne seront pas distillés risquent de se retrouver sur le marché et risquent d’affaiblir, par répercussion et spéculation, le marché du vin blanc. Il n’y a aucune planification. »
Avec les outils déployés, « il va s’arracher 30 000 ha en premier lieu, à 4 000 €/ha de façon définitive. Et éventuellement arracher 30 000 ha en plus, avec une prime de 2 500 €/ha et une replantation différée de 4 ans » rappelle Didier Gadea, lâchant qu’avec « 4 000 €/ha, on se fout de nous. C’est 1 €/pied. Et il va falloir avancer des fonds pour arracher. [Possiblement] des gens vont abandonner des vignes, ça leur coûtera moins cher que de s’aventurer dans une prime qui n’est pas à la hauteur. » Ayant l’expérience de précédentes primes d’arrachage, le porte-parole du MODEF rapporte que « dans les années 1990, les plans d’arrachage étaient alors de 6 000 €/ha, ce qui correspond aujourd’hui à 12 000 €/ha (avec l’inflation). Le plan actuel est bien inférieur à celui d’il y a trente ans. Sauf qu’alors, on arrachait de l’aramon, en nous expliquant que c’était du vin de table qui ne valait rien, aujourd’hui on va arracher du cabernet, du sauvignon, du merlot, des cépages dont on nous disait qu’ils nous sortiraient de la crise, et pour une misère, parce que 4 000 €/ha ça couvre à peine les frais. »
Si rien n’est fait, les friches vont se multiplier pour le viticulteur languedocien : « les gens abandonnent leurs vignes, comme il n’y a plus de revenus. La seule solution, c’est un prix plancher garanti par l’Etat ». Une demande récurrente, mais qui ne semble pas susciter beaucoup d’adhésion gouvernementale. Demandant toujours une cellule de crise au ministère de l’Agriculture, avec la nomination d’un préfet coordinateur pour la viticulture le MODEF reste dans sa vision politique de la filière vin : « le négoce fait sa loi. On ne s’en sortira pas par le marché. On demande un prix minimum, l’équivalent du smic » développe Didier Gadea, ajoutant que « le plan d’arrachage n’est qu’un plan social de plus, qui montre la faillite du culte voué aux marchés. L’arrachage ne sera pas la solution. J’ai déjà connu deux crises viticoles, c’est la troisième, mais celle-ci est plus violente, il n’y a pas de porte de sortie. »
* : Avec 35 ha en 2016, 800 ha en 2017, 1 500 ha en 2018, 3 374 ha en 2019, 3 398 ha en 2020, 2 306 ha en 2021, 3 129 ha en 2022 et 3 129 ha en 2023.