Mon père et mon grand-père ont fait leurs plants jusqu’en 1972 en massale. Dans ces parcelles, nous avons moins de maladies du bois que dans les autres avec des clones. Il y a plus de 15 ans, face à la baisse du potentiel viticole, à l’apparition de symptômes de maladies du bois sur des vignes âgées de 6 ou 7 ans, nous nous sommes interrogés : le matériel végétal est-il en cause dans l’esca ? ». Vigneron à Crézancy-en-Sancerre et ancien président de la Fédération des unions viticoles du Centre (FUVC), Gilles Guillerault a été l’un des artisans de CEPS Sicavac. Le Centre d’Expérimentation et de Production de Ceps de la Sicavac du Centre-Loire a été créé il y a 10 ans avec le BIVC, concrétisant des travaux débutés plusieurs années auparavant.
« Dans les années 90, la plupart des plantations étaient réalisées avec des clones de sauvignon, une dizaine seulement. A terme, cela allait conduire à un appauvrissement génétique du cépage, relate Bertrand Daulny, œnologue et ancien directeur de la Sicavac, le centre technique du vignoble du Centre-Loire. A partir de 2004, nous avons réalisé des sélections massales locales, dans des parcelles plantées entre 1920 et 1960, en écartant les individus virosés, trop sensibles au botrytis ou donnant des vins insuffisants en sucres ».
« Nous avons fait ensuite un tour des France des pépiniéristes. François Dal, spécialiste viticulture à la Sicavac, a élaboré le cahier des charges des plants que l’on souhaitait, à partir de ce qui se faisait de mieux », poursuit Gilles Guillerault. CEPS Sicavac naît, avec la mission de produire les greffons, sur une parcelle en bio en AOC Coteaux du Giennois, et de les vendre à des pépiniéristes partenaires. Ceux-ci les greffent puis les commercialisent. « C’est un partenariat de long terme avec six pépiniéristes en France, qui appliquent notre cahier des charges : palissage des porte-greffes (pour une meilleure qualité de bois et un désherbage mécanique), fongicides de contact, fertilisation organique, taille des plants dans le respect des flux de sève, contrôles fréquents par notre service, analyses virales régulières…Notre process a une marque déposée », expliquent François Dal et Pierre Morin, vigneron à Bué et président de CEPS Sicavac. Ces plants sont aussi traités à l’eau chaude.
Les premiers plants CEPS Sicavac de sauvignon ont été mis en terre en 2019. « Aujourd’hui, nous en vendons entre 200 000 et 250 000 par an en sauvignon. Le prix moyen du plant est de 2,50 € », précise Jean-Baptiste Roblin, directeur technique de CEPS Sicavac, qui évoque un taux de reprise de 50% en pépinière. « Ces plants sont plus chers que les autres. Mais les vignerons l’acceptent, car notre process de fabrication est plus sain, nos plants sont plus forts, avec un meilleur potentiel », déclare Pierre Morin. « Nous n’avons pour le moment que peu de recul sur la longévité des plants CEPS. Mais les maladies du bois sont liées pour 50% à la taille, pour 20% à la qualité de greffe et pour 30% aux réserves de la plante, souligne François Dal. Avec la qualité de nos plants, on limite donc déjà le risque de 20%. C’est ensuite au vigneron de rester sur de bonnes bases, avec une taille respectueuse notamment ».
L’aventure de CEPS Sicavac ne s’est pas arrêtée au sauvignon : des sélections massales de pinot noir et de gamay ont été réalisées, et la démarche s’est même exportée en Bourgogne, avec l’association de vignerons Gest.
Lors de la journée célébrant les 10 ans de CEPS Sicavac, une dégustation comparative a présenté des cuvées issues de lignées CEPS Sicavac « Typicité » et « Excellence » face à des vins issus de sélections clonales, sous la houlette de Fabrice Doucet, directeur et œnologue conseil de la Sicavac et Jérôme Gagnez, chroniqueur vin sur France Inter. « Les massales se détachent nettement des clonales, par leur élégance, leur précision notamment. Leur supériorité est éclatante dans le verre », a constaté le journaliste. « Ces dernières années, ces dégustations comparatives ont convaincu beaucoup de vignerons de planter des plants CEPS », confie Olivier Luneau, vigneron à Menetou-Salon et vice-président de CEPS Sicavac.