Ça nous a bouffé le bénéfice de l’année, mais on a notre conscience pour nous » résume dans un soupir Anne Mourillon, la directrice du négoce Albert Sounit (3 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2023, dont 10 % pour les mousseux) basé à Rully (Saône-et-Loire). Sanctionné à hauteur de 25 000 euros d’amende transactionnelle « pour pratique commerciale trompeuse » par la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF), le négociant bourguignon commercialisait des « vins mousseux "Caprice" revendiquant une origine française des matières premières mis en œuvre alors que celles-ci étaient d’origine étrangère » d’après l’administration, qui ne peut en dire plus.
Maison danoise spécialisée dans les crémants de Bourgogne*, Albert Sounit « élabore des vins mousseux et achète des vins de base » relate Anne Mourillon, précisant que « notre fournisseur n’est pas à mettre en cause, il nous échantillonne chaque année différents vins de base que l’on sélectionne. Par le passé il s’agissait de vins français, mais il y a eu une évolution que je n’avais pas vue. C’est ma faute, je n’ai jamais regardé les DAE (Documents Administratifs Electroniques), indiquant qu’une partie des vins était espagnole, c’était marqué DPCE (Différents Pays de la Communauté Européenne). Sur nos étiquettes on marquait "produit de France", alors qu’il aurait fallu mettre "produit en France". Si je m’en étais aperçu, je l’aurais changé, il n’y a aucune honte à ça. »


N'étant pas un détail pour l’administration, « ces faits sont constitutifs d’une pratique commerciale trompeuse, telle que défini à l’article L.121-2 du Code de la consommation » indique la DGCCRF. « L’erreur de bonne foi coûte cher » soupire Anne Mourillon, répétant qu’« en toute honnêteté, il n'y avait nulle intention de tromperie du consommateur. Nous n'avons pas fait suffisament attention sur des vins d'entrée de gamme ». Représentant une amende réduite pour une affaire de francisation, ce dossier témoigne des instructions données aux enquêteurs de la DGCCRF pour chercher, et trouver, toute pratique trompeuse sur l’origine. Un sujet qui avait enflammé le vignoble, notamment dans le Midi l’hiver dernier où les pouvoirs publics avaient annoncé leur mobilisation.
Ayant demandé l’audit de ses étiquetages à la DGCCRF pour ne plus faire d’erreur, Anne Mourillon a reçu une fin de non-recevoir : si les opérateurs ne savent pas tout, il semble que l’administration ait encore du travail pour être dans la prévention pédagogique et plus dans la sanction systématique.
* : mais se développant sur les vins tranquilles, notamment avec son domaine de 17 hectares en Côte Chalonnaise.