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ifficile d'exister aux yeux du monde quand on est un petit vignoble de 72 hectares coincé entre la vallée du Rhône et la Savoie. « On entend davantage parler du vignoble naissant en Bretagne que de celui qui renaît en Isère », constate Wilfrid Debroize, président du syndicat des vins de l'Isère.
Epaulé par le Département et la Chambre d'Agriculture, liés depuis 2020 par une charte en faveur de la viticulture, le syndicat a redoublé d'efforts pour gagner en visibilité. Pour sa quatrième édition, le salon des A'Vin'turiers se dédouble : un jour consacré aux professionnels le lundi 14 octobre, puis deux pour le grand public les samedi 9 et dimanche 10 novembre dans un nouveau lieu espérant accueillir deux fois plus de visiteurs que l'an passé – soit 1 400.
L'ancien territoire viticole, couvert de 33 000 ha de vignes au 19ème siècle, a de quoi faire parler de lui. Depuis quinze ans, des femmes et hommes arrachent des arpents à la friche pour y refaire du vin. L'IGP obtenue en 2011 et la charte signée en 2020 ont amplifié la dynamique. « En quatre ans, il y a eu cinq installations et 20 ha ont été replantés », précise Wilfrid Debroize. Le département soutient les plantations jusqu'à 6 000 €/ha (8 000 €/ha pour un jeune) et l'investissement matériel jusqu'à 40 % et 10 000 € par dossier. Le vignoble ne cesse d'attirer, notamment dans les hauteurs : quatre domaines sont en cours de création dans le Trièves, qui s'étage entre 500 et 900 m.
Avec des terroirs et altitudes variées et 34 cépages autorisés, la diversité des vins de l'Isère – déclinés en trois couleurs et en effervescents- est immense. « Moins rigide qu'une AOP, l'IGP nous laisse libres d'exprimer notre créativité, apprécie Antoine Depierre, qui a créé le domaine Mayoussier en 2013 sur 3 ha. La force du syndicat vient de ses trente membres : même en ayant des visions différentes, nous avons envie de faire de jolies choses ensemble et de porter un message commun autour de l'engagement environnemental, des cépages anciens et de l'ancrage dans un territoire. » Lui n'est certifié ni bio ni Haute Valeur Environnementale (HVE) contrairement aux trois quarts des vignerons de l'IGP, mais il sème des couverts végétaux, plante des haies et fait pâturer des moutons. Et s'il n'est pas adepte des cuvées 100 % cépages anciens, il en a plantés pour honorer le terroir et apporter de la typicité à ses assemblages.
D'autres, comme le domaine du Gueydan créé en 2012 sur 5 ha, ont fait le choix opposé : vins bio et cuvées 100 % verdesse ou etraire de la Dhuy, vendues en magasins de producteurs, salons locaux et stations de ski. Avant d'être étonnée par ces cépages, « la clientèle locale est d'abord surprise d'apprendre que l'on fait du vin ici », note le couple de vignerons. Mais parce qu'une demande de vin local existe, la plupart des domaines écoulent sans peine leur production. « On n'arrive pas à fournir tout le monde », confie Mario Amaro Rabiço, du domaine du Loup des vignes sur 8,75 ha, qui en vingt ans s'est constitué une clientèle locale fidèle.
Globalement pourtant, « les vins de l'Isère souffrent d'un déficit de notoriété », admet Sébastien Benard, qui a créé le domaine Alpins en 2015. « On travaille collectivement à la développer : on organise un salon pour les pro et le grand public et le concours des vins de l'Isère, on développe des partenariats avec des restaurants haut de gamme, on est présents sur un salon de la restauration et on a recruté des ambassadeurs dans divers milieux professionnels. » Pour sa clientèle d'« amateurs de vin en quête de découvertes et de consommateurs locaux sensibles à la nature », il fait du vin bio avec quatorze cépages autochtones, dont le servanin presque disparu. « Pour exister, les vins de l'Isère doivent être qualitatifs et se distinguer. On ne peut pas miser sur notre nom, mais on mise sur l'adéquation cépage et terroir. Et justement nos cépages anciens apportent une fraîcheur recherchée en raison du changement climatique. »
Luc Métral, créateur en 2011 du domaine Fleur de Galet sur 3 ha dans les collines rhodaniennes, se démarque de ses voisins isérois. Il n'a pas de cépage endémique - pas même la verdesse, en passe de devenir l'emblème de l'IGP tant ses vignerons l'ont massivement adoptée. Il revendique l'IGP Colline Rhodanienne pour ses rouges à base de grenache, non autorisé en Isère. Mais pour ses blancs à base de chardonnay et viognier, il n'a pas hésité à opter pour l'IGP Isère. Car il voit dans sa petite taille un atout. « Dans une plus grande appellation, j'aurais été noyé dans la masse, explique-t-il. Et c'est stimulant d'appartenir à un petit groupe dynamique, qui s'enrichit de sa diversité. » La passion du vin est contagieuse : il a été rejoint par son fils il y a quatre ans.
