évélée par Vitisphere, la vente aux enchères à 7 €/hl de 500 hectolitres de vin de Bordeaux lors d’une liquidation judiciaire fin septembre suscite beaucoup d’émoi dans la filière et au-delà. Reprise nationalement, de Ouest-France à BFM TV, l’affaire prend des proportions qui agacent l’acheteur de ce lot de vin en vrac. Souhaitant rester anonyme sans exclure des poursuites « si ça va trop loin », ce négociant bordelais l’affirme : « je suis droit dans mes bottes, je n’ai rien à me reprocher ». Rejetant les affirmations de confrères liant son achat à 7 €/hl avec la vente sur son site de « bouteilles à un peu plus de 5 euros ou des cubis de 5 litres à 18 euros », l’ancien vigneron pointe que « tout ce qui a été dit a été erroné. Toutes ces informations sont fausses ». Affirmant avoir été en lien avec Qualibordeaux dès l’acquisition de son lot, le négociant déclare que ce lot « ne sortira pas en Bordeaux par choix personnel. Je fais les choses correctement. »


« Le vin a été déclassé en VSIG. Il ne sera pas commercialisé en Bordeaux » confirme Régis de Lescar, le directeur de l’organisme de contrôle et d’inspection Quali-Bordeaux, précisant que « le déclassement a été proposé volontairement hier (10 octobre) après que nous l’ayons informé de l’absence de revendication en règle de ce vin par le vendeur auprès de l’Organisme de Défense et de Gestion (ODG) ». Les vérifications conduites par Quali-Bordeaux ayant révélé que toutes les obligations administratives n’ont pas été respectées par le vendeur, dans le cas d’espèce le mandataire judiciaire, qui n'a pas réalisé et réglé la déclaration de récolte. Se pliant volontairement à ce déclassement de fait, sans lancer de procédure contentieuse, le négociant acheteur met un terme à ce dossier de vin de Bordeaux bradé 7 moins cher qu’un vin espagnol.
Pour Quali-Bordeaux, l’opérateur a réalisé toutes les opérations nécessaires pour le volet déclaratif : « ce vin n’a pas été retiré sous le manteau ». Si des remises en cause qualitatives ont pu être portées sur ce lot, Régis de Lescar rappelle que le niveau de contrôle analytique et organoleptique des vins en vrac est de 2 % à Bordeaux et qu’en l’état il n’y a pas de procédure spécifique pour ces lots issus de liquidation.


Ces éléments ont été portés à la connaissance de la filière ce jeudi 10 octobre, lors d’une rencontre à la cour d’appel réunissant les services de la préfecture et les opérateurs judiciaires. « La déclaration de revendication ne vaut pas, il n’est pas possible de revendiquer le lot, qui ne viendra pas peser sur les bordeaux » rapporte le vigneron-négociant Renaud Jean, membre du collectif Viti 33. La situation de ce lot étant désormais résolue sans faire plus de vague, Renaud Jean pointe que cette marche arrière doit servir de leçon au système judiciaire en général et aux mandataires en particulier : « les mandataires doivent marcher droit. Vu la complexité des procédures et des règles à suivre, on peut imaginer que beaucoup de ces lots [en liquidation] vont sortir en vins de France à l’avenir. » La vente de vin d'appellation devant en effet veiller au respect du cahier des charges de l'AOP, dont la simplicité n'est pas la première qualité.
A l’issue de la réunion du 10 octobre, le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB) souhaite que ces ventes en liquidation s’inscrivent à l’avenir dans le cadre des obligations classiques du commerce des vins. L’interprofession girondine pointe que la liquidation n’est qu’une issue brutale des procédures collectives pouvant étaler les dettes dans le temps. Ce qui nécessite de renforcer la connaissance des outils à disposition pour sauvegarder l’activité et l’accompagnement des opérateurs par le tribunal pour éviter d’aboutir à une liquidation au plus offrant. Ne souhaitant pas plus commenter l’affaire, le négociant ayant acheté ce lot pointe qu’à son sens, « le plus étonnant, c’est qu’il n’y ait eu personne d’autre pour acheter ce vin… » La loi de l’offre et de la demande ayant abouti à ces prix cassés en ventes aux enchères. De nouvelles liquidations s’annonçant dans le vignoble, faut-il encore que la filière soit au courant des mises en vente de ces lots. Leur publicité semblant particulièrement discrète pour assurer la mise en concurrence des gros faiseurs et ne pas laisser ces vins exploser un marché déjà saturé de petits prix.