Je ne vais pas faire le collapsologue de service, mais on est dans l’effondrement du vignoble bordelais » lâche Dominique Techer, porte-parole de la Confédération Paysanne de Gironde et agitateur invétéré de mauvaises nouvelles au sein des institutions bordelaises (ce qui lui a déjà valu de vives altercations). « Ce n’est pas un plaisir sadomaso de regarder l’effondrement. Je ne m’enivre pas de catastrophe » désamorce Dominique Techer, indiquant qu’il a « le sentiment que l'économie viticole girondine est en train d'imploser. Rien ne résiste dans un ensemble qui s'effondre. On a commencé par la ruine de l’appellation régionale, le milieu de gamme a suivi et maintenant ce sont les grands crus. Tout est à l’arrêt dans les ventes de foncier, à part Pomerol et quelques communales du Médoc. »
Estimant que le dernier clou dans le cercueil girondin ce sont les primeurs qui ne marchent plus, le gérant de vignoble à Pomerol (en cours de transmission à ses fils) désormais vigneron de l’Entre-deux-Mers (sur une petite surface) estime que dans cet environnement suspendu « tout le monde est en cessation de paiement objective. Demain matin, n’importe quel fournisseur vient sur un domaine et dit vouloir être payé, il amène le vigneron au tribunal. Je n’ai pas de chiffres, mais tous les retours que j’ai indiquent que tout le monde échelonne ses paiements de factures tant que c'est possible. Et on voit des collègues ayant une ardoise qui répondent à des envoyés de recouvrement que s’ils avaient ensuite la visite d’huissiers, ils se mettraient en redressement judiciaire. Ce qui calme tout le monde… »


Alors que les institutions bordelaises veulent croire à un retournement de marché et à un retour à la valorisation des vins, Dominique Techer reste tranchant : « le problème quand on nie le réel, c’est que l’on finit par s’y cogner. La consommation ne cesse de diminuer, c’est un fait. Nous sommes sur une récession économique et sociétale. Soit vous l’acceptez pour gérer en regardant la réalité en face, soit on continue de faire croire dans cette espèce de lévitation collective pour éviter que ça se casse la gueule. » Maintenant ses propositions d’outil public de remembrement du foncier public émises il y a deux ans, le porte-parole girondin de la Confédération Paysanne estime qu’« il faut organiser cette rétractation. Le downsizing, ce n'est pas nouveau. Mais s’il n’est pas organisé, ça peut partir n'importe comment. On voit déjà des paysages qui dérivent. Il faut prendre du recul et relancer l'intelligence collective. »
Alors que le rot brun tombe sur les vignes déjà éprouvées par le mildiou, « il n’y a pas une éclaircie » pour Bordeaux, « c’est ce qui est terrible. On prévoit beau temps, et il pleut… » Avec des situations de détresse humaine jamais vue. « Il y a une violence monumentale parce que des gens se demandent comment ils vont bouffer le soir. On n’en a pas pris la mesure et on continue à ne pas en prendre la mesure. Aujourd’hui, les vignerons sentent l’injustice de travailler 70 heures par semaine et de devoir quémander des aides comme des mendiants » conclut avec amertume Dominique Techer.