’Institut Å“nologique de Champagne (IOC) a mis en branle son « observatoire analytique de l’azote assimilable des moûts » pour comprendre pourquoi ses Å“nologues rapportaient des cas fréquents d’apparition d’odeurs soufrées en cours de fermentation. « Sur tout l’axe Est des vignobles français, de la Champagne à la Provence, nos laboratoires ont recensé sur 3400 moûts une moyenne de 200 mg/L d’azote assimilable, contre 230 mg/L en 2023 », décrit Olivier Pillet, responsable du développement produits.
Surtout, les analyses ont révélé des ratios « azote minéral (NH4+) / azote aminé » plus favorables au minéral que l’année passée. « En 2023, on observait quelques situations originales mais en moyenne le ratio théorique d’1/3 d’azote ammoniacal se vérifiait. Cette année, d’après cette première photographie à chaud, l’originalité semble devenir la norme, et l’ammonium représente souvent 40 à 50 % de l’azote assimilable total », commente Olivier Pillet. Selon lui, c’est ce déséquilibre, « plus marqué dans certains secteurs que d’autres », comme en Bourgogne du Sud ou autour d’Epernay », qui a pu conduire à des odeurs de réduction. « Un excès d’azote ammoniacal peut rendre la levure fermentaire incapable de s’adapter à d’autres carences, lipides ou vitaminiques. Il est également susceptible d’entrainer une surmultiplication levurienne et un appauvrissement du milieu en micronutriments, ce qui provoque parfois d’importantes productions d’H2S. Enfin, ces déséquilibres sont responsables chez la levure d’inhibition ou de perte d’activité de révélation aromatique à partir du potentiel du raisin. Trop d’ammonium, c’est moins de révélation des thiols variétaux », explique-t-il, préconisant aux vignerons concernés de rééquilibrer les moûts en apportant selon les cas de l’azote organique ou des protecteurs de levures.
Pour éviter les biais, Olivier Pillet précise que tous ces résultats ont été obtenus sur des moûts encuvés. « Nous avons laissé de côté les analyses effectuées sur broyats de raisins et les analyses maturité effectuées avant vendange », assure l’oenologue.
Une bonne chose selon Daniel Granès, directeur scientifique de l’Institut coopératif du vin (ICV), qui confirme que le pourcentage « minéral » est systématiquement supérieur sur les échantillons broyés. Lui ne voit pas ce « décalage » sur les proportions. Dans le Beaujolais, où l'ICV a statistiquement traité les résultats de 400 dosages, les blancs et rosés renferment en moyenne 38% d'azote minéral. Dans le nord de la Vallée du Rhône, sur 800 analyses, c'est 34%. Dans le sud, sur 2500 moûts, 36%. « Aucune situation anormale ne saute aux yeux » conclut Daniel Granès.
Pour lui, il faut quoiqu’il en soit faire des mesures cuve par cuve et adapter les quantités et formes d’azote à apporter à chaque cas de figure. « Donner des recommandations générales me semble un peu hasardeux, d'autant plus que toutes les souches de levures de fermentation ont des besoins différents ».