e lundi 23 septembre, la petite coopérative Castelmaure est une vraie ruche. Le personnel de la cave, un technicien, un fournisseur, les coopérateurs… Tous s’activent autour de l’attraction du jour : la nouvelle réception de vendange en caisses. « Je ne vendange pas aujourd’hui, mais je suis venu voir comment ça fonctionne », confie Gauthier Gazaniol, un jeune viticulteur.
Chargement des comportes (Photo Michèle Trévoux)
L’installation n’est pas banale, à l’image de la coopérative, qui est la seule en France à vendanger 100 % de sa récolte à la main, alors que le cahier des charges de son appellation, Corbières, ne l’impose pas. Qui plus est, ses adhérents livrent leur récolte non en bennes mais en comportes de 45 kg maximum pour éviter le tassement des raisins.
« Notre ancien quai de réception était obsolète. Nous déversions les comportes vers un égrappoir situé à 6 mètres de profondeur, après quoi des vieilles foulo-pompes Coq renvoyaient les raisins vers les cuves. Il y avait beaucoup de temps morts et souvent des files de camions qui attendaient pour décharger », relate Antoine Robert, le directeur. Avec cette nouvelle installation, la coopérative veut tout à la fois gagner en capacité de traitement et monter en qualité avec la mise en place d’un égrappage qualitatif et la possibilité de multiplier les petites cuvées.
Conçue par le champenois MDC, cette réception convoie, pèse, renverse puis nettoie automatiquement les comportes. Les coopérateurs déposent ces caisses sur un convoyeur qui les emmène au-dessus d’un tapis où elles sont déversées. Le circuit compte deux tapis, chacun conduisant les raisins vers un égrappoir distinct. Les caisses vides repartent ensuite vers une laveuse d’où elles ressortent, direction l’entrée du quai de réception où elles sont récupérées par les coopérateurs.
À chaque passage, les comportes sont pesées automatiquement. Une technicienne contrôle le degré et note l’état sanitaire des raisins afin d’éditer le ticket d’apport. Un tableau de commandes permet d’orienter la vendange vers l’égrappoir, le pressoir puis les cuves de destination. « Nous avons deux égrappoirs, l’un classique, l’autre plus qualitatif avec le Delta Oscillys de Bucher Vaslin », précise le directeur.
Tableau de commande (photo Michèle Trévoux)
« À plein régime, ce système peut recevoir 450 comportes par heure, soit 23 tonnes par heure de raisin. Avec l’ancien quai de réception, on ne dépassait pas 70 à 80 tonnes par jour, ce qui provoquait parfois une longue file de tracteurs. Le déchargement prenait du temps car les coopérateurs devaient récupérer leurs rafles avant de repartir. Avec cette nouvelle réception, les rafles sont évacuées sur le côté ; les coopérateurs n’ont plus à les récupérer. Désormais, nous pouvons accueillir deux tracteurs en même temps, l’un qui décharge ses comportes, l’autre qui charge ses comportes vides et lavées », explique Antoine Robert.
Les caisses passent dans la laveuse (photo Michèle Trévoux)
En ce premier jour d’utilisation, le débit n’est pas encore à son maximum. Les arrêts sont fréquents. Les causes sont multiples : une caisse mal positionnée qui bloque le convoyage, l’égrappoir qui bourre, le débranchement malencontreux du tuyau d’air qui apporte l’air comprimé au bras qui renverse les comportes ou encore ce coopérateur qui, en déchargeant, appuie par mégarde sur le bouton d’arrêt d’urgence. « On se rode. On apprend à maîtriser cet outil », poursuit le directeur.
Malgré ces accrocs, les coopérateurs apprécient déjà leur nouvel équipement. « On gagne en fluidité », se réjouit Rémi Bellissent, un adhérent qui exploite 17 ha de vigne. Gauthier Gazaniol, qui est en bio, se montre tout aussi satisfait : « Cette installation va nous permettre d’isoler des cuvées et de monter en gamme. C’est aussi intéressant pour nous qui sommes en bio. Comme les deux tapis sont indépendants, on pourra rentrer des raisins conventionnels et des raisins bio le même jour, ce qui était impossible jusqu’ici. »
Ce nouveau quai représente un investissement global de 350 000 € incluant les automatismes, le système de convoyage, la pesée, les deux égrappoirs, les pompes, la tuyauterie et les vannes. La cave table sur une subvention de 30 % de FranceAgriMer. Les travaux n’étant pas terminés, l’aide n’a pas encore été versée. Un nouveau bâtiment de stockage doit être livré en janvier 2024.
Pour le moment, ce quai de réception n’est utilisé que pour les vinifications traditionnelles. Les carignans et syrahs vinifiés en macération carbonique – soit 55 à 60 % des volumes de la coop – sont réceptionnés sur un autre quai. À terme, un autre tapis sera ajouté pour conduire ces raisins directement en cuve, sans passer par l’égrappage. Des petites cuves viendront également étoffer la cuverie en vue de réaliser des vinifications parcellaires et de franchir un nouveau pas vers la montée en gamme, inlassablement recherchée par cette coop audoise.
Castelmaure produit en moyenne 15 000 hl par an. Elle commercialise directement un peu moins des deux tiers de sa production via le circuit traditionnel. La maison Jeanjean distribue les 40 % restants en grande distribution, fruit d’un partenariat unique vieux de plus de trente-huit ans !
Castelmaure est restée fidèle au carignan. Ce cépage représente 40 % de l’encépagement de cette coopérative qui le vinifie exclusivement en macération carbonique afin d’obtenir du fruit et de la rondeur, un style qui fait désormais « la patte » de ses vins. Un pari dont elle se félicite aujourd’hui tant ce cépage semble adapté aux évolutions climatiques. Il résiste en effet très bien au coup de chaud et à la sécheresse et offre des vins aux degrés alcooliques modérés. La coop a d’ailleurs instauré une prime à sa plantation et créé un conservatoire comptant 97 accessions (clones) de carignans noirs afin d’avoir accès à une sélection massale riche et variée. Cela lui permet aussi de repérer les souches les plus résistantes à la sécheresse ou à l’oïdium ou qui produisent des vins de plus faible degré pour la viticulture de demain.