u soutien aux trésoreries à la révision d’Egalim en passant par l’aide à l’emploi saisonnier et la gestion administrative des friches, la filière vin ne manque pas de propositions législatives pour animer la rentrée parlementaire et occuper l’entrée en fonction d’un gouvernement de plein exercice. Dans ce véritable concours Lépine des lois simplifiant la vie de la filière vin, où pas un opérateur ne manque d’imagination, on entend souvent une rengaine revenir en boucle : la coupable de tous les maux des vins français, c’est la loi Évin, réglementation de 1991 encadrant notamment la communication sur les alcools, pour protéger les plus jeunes et les plus fragiles des publicités trop incitatives. Pavlovienne, cette antienne vigneronne dit que ce texte de 1991 est un accélérateur de déconsommation, de décadence culturelle, de dérive hygiéniste (voire wokiste, selon les interlocuteurs).
La ritournelle est forte, "supprimons la loi Évin pour relancer la consommation du vin", mais les statistiques de la consommation française sont têtues : elles ne révèlent pas d’accélération de la déconsommation de vin après 1991. La tendance était déjà nette bien avant, et elle continue sur sa lancée après (sans effet criant d’autres textes parfois décriés, comme les lois routières abaissant les taux d’alcoolémie autorisés en 1983, 1995, etc.). Et dans le reste du monde traditionnellement consommateur, la diminution des achats de vin s’est poursuivie avec ou sans loi Évin. Le lien entre suppression de la loi Évin et relance de la soif française de vin parait pour le moins fragile. Un open bar publicitaire pour les alcools serait sans doute contre-productif pour le vin : comment tirer les marrons du feu alors que les bières et spiritueux ont une bien plus puissante force de frappe marketing, pour ne pas dire financière ? Les gagnants annoncés de toute abolition de la loi Évin ne sont pas forcément les vignerons et négociants que l’on entend pester…
Certes, la réglementation française est un handicap pour communiquer sur un pan de l’identité nationale. Mais plus qu’un désir de retour en arrière ne pouvant réellement résoudre les maux actuels, l’attention de la filière doit se porter sur des approches hygiénistes cristallisant autant de menaces futures. À commencer par les instances européennes, où des institutions et élus sont restés coincés sur l’étude anxiogène du Lancet en 2018, concluant qu’il y a danger pour la santé dès la première goutte d’alcool ingérée. Une alerte démentie par une nouvelle étude publiée en 2022 dans le Lancet, mais n’ayant pas connu les mêmes échos médiatiques… L’idée d’une dangerosité de l’alcool en général et du vin en particulier infuse à Bruxelles, avec le précédent d’un étiquetage de messages d’avertissement sanitaires sur des liens entre alcool et cancer en Irlande. À côté, la loi Evin semble bien modérée… Bien que les associations hygiénistes continuent de vouloir durcir le texte et faire taire la voix des boissons alcoolisées (de l’interdiction de communication sur les réseaux sociaux à l’impossibilité d’afficher des publicités sur toute route amenant à une école… l’alcool est fini, mais oui, mais oui).
Plus qu’un retour en arrière, les vins français ont avant tout besoin de soutien politique pour aller de l’avant. Avec une communication plus allante des pouvoirs publics sur le vin, la promotion des terroirs, l’éducation à la dégustation, le rappel des repères de consommation… Bref, une forme de communication positive et instructive comme on peut en voir aux États-Unis ("Come over october") ou en Espagne ("Mejor Con Vino"). Pays qui n'ont pas de loi Évin, mais une déconsommation structurelle. De quoi imaginer une nouvelle mention légale pour la communication sur les vins en France ? La vue d’alcool est dangereuse pour la santé des hygiénistes, à déconsommer avec modération pour la pérennité de la filière.