On est des citoyens responsables. Fou-tez-nous-la-paix ! » C’est sur ces mots que Pascal Bobillier-Monnot, directeur-adjoint du Syndicat général des vignerons de Champagne (SGV), a conclu son allocution 19 septembre devant un parterre de représentants de l’administration et quelques journalistes. C’était à l’occasion d’une journée vendange organisée par la Cnaoc, la confédération des syndicats d’AOC viticoles à laquelle appartient le SGV. Non pas que son injonction s’adressait à ses invités ! Non.
Pascal Bobillier-Monnot venait de s’exprimer sur un sujet que les Champenois et toute la viticulture surveillent comme le lait sur feu : les mesures que l'Europe pourrait prendre sous couvert de lutte contre les dangers de l’alcool. L’idée selon laquelle la moindre goutte d’alcool serait dangereuse pour la santé est présente dans bien des esprits et fait planer deux menaces sur notre secteur : la suppression de toute aide publique européenne et l’obligation d’imprimer une mise en garde contre le risque de cancer sur les étiquettes des boissons alcoolisées.
« Ce n’est pas acceptable, a rappelé Pascal Bobillier-Monnot. Le message de la profession c’est : on ne veut pas remettre en cause l’équilibre qui a été trouvé en France [sur la prévention des dangers de l’alcool]. »
Avant cela, il a évoqué deux autres sujets sensibles pour la Champagne : la réglementation sur l’usage des phytos et la transmission des exploitations. « Le règlement Sur va revenir sur la table », a-t-il prévenu. Un règlement qui prévoyait d’imposer une baisse de 50 % de l’usage des phytos d’ici 2030 auquel la Commission européenne a dû renoncer devant la levée de bouclier des agriculteurs.
Mais les partisans de la réduction de phytos ne lâchent pas l’affaire. L’idée serait désormais d’offrir des subventions à des agriculteurs qui se retrouverait sans possibilité de protéger leur culture après l’interdiction d’une matière active. « Nous ne l’accepterons pas », a prévenu Pascal Bobillier-Monnot. Inacceptable aussi : de nouvelles surtranspositions par la France de directives européennes.
Pour alléger la transmission, l’orateur a rappelé la demande de déplafonnement total de l’abattement de 75 % des droits de succession sur les terres louées à bail à long terme et transmises à un successeur qui s’engage à garder leur vocation agricole pendant au moins dix ans.
Coorganisatrice de la journée, la Cnaoc s’est exprimée par la voix de son directeur, Raphaël Fattier. Là aussi, trois sujets prioritaires : la simplification administrative, la future Pac et les vignes en friche.
S’agissant de la simplification, Raphaël Fattier a rappelé l’engagement pris par le ministre Thomas Cazeneuve en février et les demandes de la profession parmi lesquelles un guichet unique pour le paiement des droits d’accise et de la TVA en Europe et une méthode commune à toutes les administrations de mesurage des surfaces.
Au chapitre de la Pac, la Cnaoc veut « le maintien des règles spécifiques à la viticulture, la sacralisation de son budget et la pérennité du dispositif de plantation, a insisté Raphaël Fattier. Et on veut maîtriser la croissance des VSIG dans les zones d’appellation. »
Deux dossiers qui prendront leur temps. Le troisième doit pouvoir aboutir bien plus rapidement : l’instauration d’une amande forfaitaire de 4000 €/ha pour les parcelles laissées à l’abandon dans les secteurs en lutte obligatoire contre la flavescence dorée. C’est un « quick win » pour la Cnaoc, qui s’empare là d’une expression du vocabulaire managérial.
Dans un document écrit remis à la presse, le Cnaoc pointe d’autres « quick win » parmi lesquels « assurer l’étanchéité entre les segments AOC et IGP » et « aménager » l’arrêté pollinisateur.
Dans le premier cas, il s’agit d’autoriser le déclassement des AOC uniquement en VSIG et de fixer une date butoir au-delà de laquelle il ne serait plus possible de revendiquer un vin en IGP. La Cnaoc évoque le 31 janvier.
Dans le second cas, s’il suffirait effectivement d’un trait de crayon pour rayer la vigne de la liste des cultures attractives. Une action rapide en principe mais qui risque d’être soumise à de longues tractations.