ultiplier des levures commerciales avec un fermenteur ou un pied de cuve pour ensemencer des cuves peut s’avérer économique. Mais pour l’Université de Bourgogne, cette technique n’est pas sans conséquence. Fanny Bordet en est convaincue. Cette ingénieure de recherche à l’IUVV de Dijon a mené une étude financée par Lallemand sur l’influence du mode d’inoculation des levures sèches actives sur le profil des vins.
«Nous avons comparé deux modes d’inoculation d’un même moût de chardonnay, expose-t-elle. Dans le premier cas, nous avons réhydraté classiquement les LSA selon les préconisations du fournisseur avant de les ajouter au moût. Dans le second, nous avons réhydraté ces levures et nous les avons multipliées dans un milieu de culture puis dans un moût stérile avant de les inoculer au moût de chardonnay, ceci pour se rapprocher au maximum d’une multiplication par fermenteur ou pied de cuve.» Si le mode d’ensemencement n’a eu aucun impact sur les paramètres classiques des vins (pH, alcool, etc.), ce n’est pas le cas pour l’aromatique. «Nous avons mené ce travail avec quatre souches de levure. Dans tous les cas, on observe une nette différence dans la composition des vins, notamment en esters, affirme Fanny Bordet. On trouve moins d’acétate d’isoamyle (arôme de banane), de butanoate d’éthyle (arôme d’ananas) ou encore d’acétate de 2-phényléthyle après multiplication des levures alors que l’on trouve davantage de lactate d’éthyle, un ester connu pour contribuer à des notes négatives de géranium.»
Autre différence : «On trouve une plus grande diversité de métabolites dans les vins levurés par les LSA réhydratées que dans ceux vinifiés avec un levain. À force de multiplier les levures, on perd leur singularité et leur spécificité», relate Fanny Bordet. Malheureusement, les chercheurs n’ont pas effectué d’analyse sensorielle de leurs essais. Impossible donc de savoir si les différences qu’ils ont observées à l’analyse sont perceptibles à la dégustation.
Alors, faut-il bannir les fermenteurs ? L’un des premiers fabricants à avoir conquis le marché, Vivelys, s’étonne de cette étude. «Les levains issus de notre fermenteur Ecolys fermentent mieux que les levures sèches, soutient Nicole Rada, responsable marketing. Avec Ecolys, les fermentations se terminent plus efficacement ; les profils aromatiques des vins sont plus nets. Aucun de nos clients n’a relevé d’effet négatif. Au contraire !»
Un constat partagé par Fabiola Bignolas-Ayhllon, œnologue et responsable du laboratoire chez Vinovalie, à Rabastens, dans le Tarn. «J’utilise ce fermenteur depuis 2013, dit-elle. Je ne vois aucune différence sensorielle entre les LSA réhydratées et les levains issus du fermenteur.» Pour expliquer les résultats de l’étude, Fabiola Bignolas-Ayhllon s’interroge sur les milieux de culture utilisés par les chercheurs : «A-t-il eu un impact sur les levures et leur multiplication ?»
Même interrogation chez Lev2050, un autre fournisseur de fermenteurs : «Dans cette étude, il y a deux repiquages très particuliers de levures : dans un milieu de culture dont on ne sait pas ce qu’il contient puis dans un moût de chardonnay stérile, observe Julien Ditte, responsable du développement commercial. Pour bien multiplier la biomasse, il faut un milieu de culture adéquat. C’est pourquoi nous en fournissons un à nos clients.»
Pour les fabricants de fermenteurs, pas de doute : on peut faire des économies de levures.