uel est l’état d’esprit des vins IGP du Gard cet été ?
Denis Verdier : La situation générale de la filière n’est pas très brillante. Nous en sommes conscients, mais nous ne voulons pas rester pessimistes. Nous allons appuyer la promotion d’IGP de territoire avec Cévennes et Pont du Gard, nous voulons lancer des vins à degré d’alcool réduit (à 7 degrés minimum, d’après nos études en deçà il n’y a plus de marquage aromatique satisfaisant) et des bulles avec la marque collective les Bullicieuses (déposée fin 2023 pour réunir tous les vins pétillants sans indication géographique de la zone : méthode traditionnelle, pétillant naturel et mousseux).
Par le passé, les crémants se sont opposés avec succès aux vins effervescents en IGP…
Nous avions fait une demande d’IGP effervescente et avions été recalés au conseil d’État comme d’autres IGP, par exemple Pays d’Oc. On nous avait reproché le manque d’antériorité permanente… L’idée avec notre marque collective est de commencer à rassembler tous les vins effervescents de la zone pour démontrer notre savoir-faire. Ce sera un travail de longue haleine. Il n’y aura pas qu’une solution à la crise actuelle, il faut suivre un ensemble de pistes pour maintenir le vignoble ici. Les difficultés structurelles ne doivent pas nous fermer les yeux sur les projets d’avenir.
S’il n’y aura pas de solution miracle pour rétablir la filière vin, quel est déjà votre diagnostic de la crise actuelle ?
La vision de la situation est, heureusement, de plus en plus partagée. Le Comité National des Interprofessions de Vins à Appellation d'Origine et à Indication Géographique (CNIV) considère qu’il y a structurellement 6 millions d’hectolitres de surstocks qui ne sont pas vendus annuellement. À la veille des vendanges en Languedoc, on peut produire 12 millions hl mais nous avons la capacité d’en vendre 10 millions hl. Il faut accentuer la conquête de parts de marché avec le marché local (notamment l’été avec l’activité touristique) et l’export (nous sommes raccords avec le nouveau président du Conseil Interprofessionnel du Vin de Languedoc), Il faut aussi passer par un rééquilibrage de l’offre et de la demande par l’outil d’arrachage. L’arrachage, c’est une maladie honteuse pour le vigneron. On l’a vu avec le sondage de FranceAgriMer où peu ont répondu. On peut déjà dire que la demande dépassera le résultat de l’enquête. Le vigneron qui veut arracher n’est pas fier, c’est une maladie honteuse, mais c’est un mal nécessaire. Il faut passer par là.
Une explication du manque de réponses au sondage par rapport aux besoins estimés d’arrachage pourrait être que certains attendent que d’autres arrachent et tablent sur une deuxième campagne pour réagir si nécessaire…
Ça n’a pas de sens. Bien sûr que tout le monde préfère que son voisin arrache. Il faut un plan social pour que ceux qui veulent partir, les anciens, puissent partir et quitter le métier dignement. Sinon cela pèsera sur les jeunes installés et qui s’installent. Il faut préserver l’avenir de nos vignobles. L’arrachage ce n’est pas réjouissant, mais c’est un mal nécessaire. Il faut avoir le courage de se dire que les choses vont mal et se projeter sur l’avenir en programmant des investissements.
D’autres représentants de la filière estiment que le Languedoc a déjà beaucoup arraché par le passé et n’a pas à réduire de nouveau son potentiel de production…
Le marché, ça ne se décrète pas. Le Languedoc ne peut s’exclure du besoin d’arracher. Sinon, les friches que l’on voit apparaître de plus en plus dans le Sud vont continuer de se propager. Tout le vignoble français est en difficulté. Même les Provençaux souffrent maintenant. On voit arriver le problème en Charentes. On le connaît déjà dans le Rhône et à Bordeaux. Seul le val de Loire semble, peut-être, épargné. Dans ce contexte, le Languedoc doit faire sa part : pas plus.
Désormais, l’inquiétude porte sur l’aboutissement de l’arrachage. Cela fait des mois que le dossier est sur la table. Les élections européennes et législatives étant passées, il y a urgence à ce que les arrachages puissent voir le jour cet hiver. Que l’on ne tarde pas à arracher. Il est compliqué de conquérir des parts de marché à l’export quand son propre marché national est atone.
Une autre inquiétude concerne le niveau de stock à l’approche de la récolte : que faire des volumes à reloger ?
Il faut faire de la place dans les caves avant les vendanges. Mais pas en dégageant des volumes à bas prix. Il faut éviter la spéculation à la baisse qui fait perdre de l’argent à tout le monde. Je sais qu’un prix minimum est compliqué. Il faut trouver une façon d’éviter la spéculation à la baisse. Quand on dépasse les bornes, il n’y a plus de limite aurait dit Pierre Dac. Le relogement et les bas prix pour de la trésorerie, c’est un classique. Il ne faut pas que la situation s’aggrave. Nous ne sommes pas sortis de la crise, tant qu’il y a du surstock, on rajoutera du stock sur le stock dès qu’il y aura une récolte normale.