menu burger
Lire la vigne en epaper Magazine
Accueil / Politique / "L’arrachage est une maladie honteuse pour les vignerons, mais c’est un mal nécessaire"
"L’arrachage est une maladie honteuse pour les vignerons, mais c’est un mal nécessaire"
Lire plus tard
Partage tweeter facebook linkedin

Denis Verdier
"L’arrachage est une maladie honteuse pour les vignerons, mais c’est un mal nécessaire"

Si tous les vignerons préféreraient que ce soit leurs voisins qui arrachent et pas eux pour résoudre la surproduction française, il faut bien finir par prendre ses responsabilités, pose dans cet entretien Denis Verdier, le président de la Fédération Gardoise des Vins IGP.
Par Alexandre Abellan Le 28 juillet 2024
Lire plus tard
Partage tweeter facebook linkedin
Difficile de faire le diagnostic de la crise actuelle sans tomber dans la sinistrose pointe Denis Verdier, pour qui l’inquiétude va de pair avec l’envie de se bouger (innovation sur les degrés, les cépages, les cocktails, le tourisme, les bulles…). - crédit photo : Fédération Gardoise des Vins IGP
Q

uel est l’état d’esprit des vins IGP du Gard cet été ?

Denis Verdier : La situation générale de la filière n’est pas très brillante. Nous en sommes conscients, mais nous ne voulons pas rester pessimistes. Nous allons appuyer la promotion d’IGP de territoire avec Cévennes et Pont du Gard, nous voulons lancer des vins à degré d’alcool réduit (à 7 degrés minimum, d’après nos études en deçà il n’y a plus de marquage aromatique satisfaisant) et des bulles avec la marque collective les Bullicieuses (déposée fin 2023 pour réunir tous les vins pétillants sans indication géographique de la zone : méthode traditionnelle, pétillant naturel et mousseux).

 

Par le passé, les crémants se sont opposés avec succès aux vins effervescents en IGP…

Nous avions fait une demande d’IGP effervescente et avions été recalés au conseil d’État comme d’autres IGP, par exemple Pays d’Oc. On nous avait reproché le manque d’antériorité permanente… L’idée avec notre marque collective est de commencer à rassembler tous les vins effervescents de la zone pour démontrer notre savoir-faire. Ce sera un travail de longue haleine. Il n’y aura pas qu’une solution à la crise actuelle, il faut suivre un ensemble de pistes pour maintenir le vignoble ici. Les difficultés structurelles ne doivent pas nous fermer les yeux sur les projets d’avenir.

 

S’il n’y aura pas de solution miracle pour rétablir la filière vin, quel est déjà votre diagnostic de la crise actuelle ?

La vision de la situation est, heureusement, de plus en plus partagée. Le Comité National des Interprofessions de Vins à Appellation d'Origine et à Indication Géographique (CNIV) considère qu’il y a structurellement 6 millions d’hectolitres de surstocks qui ne sont pas vendus annuellement. À la veille des vendanges en Languedoc, on peut produire 12 millions hl mais nous avons la capacité d’en vendre 10 millions hl. Il faut accentuer la conquête de parts de marché avec le marché local (notamment l’été avec l’activité touristique) et l’export (nous sommes raccords avec le nouveau président du Conseil Interprofessionnel du Vin de Languedoc), Il faut aussi passer par un rééquilibrage de l’offre et de la demande par l’outil d’arrachage. L’arrachage, c’est une maladie honteuse pour le vigneron. On l’a vu avec le sondage de FranceAgriMer où peu ont répondu. On peut déjà dire que la demande dépassera le résultat de l’enquête. Le vigneron qui veut arracher n’est pas fier, c’est une maladie honteuse, mais c’est un mal nécessaire. Il faut passer par là.

 

Une explication du manque de réponses au sondage par rapport aux besoins estimés d’arrachage pourrait être que certains attendent que d’autres arrachent et tablent sur une deuxième campagne pour réagir si nécessaire…

Ça n’a pas de sens. Bien sûr que tout le monde préfère que son voisin arrache. Il faut un plan social pour que ceux qui veulent partir, les anciens, puissent partir et quitter le métier dignement. Sinon cela pèsera sur les jeunes installés et qui s’installent. Il faut préserver l’avenir de nos vignobles. L’arrachage ce n’est pas réjouissant, mais c’est un mal nécessaire. Il faut avoir le courage de se dire que les choses vont mal et se projeter sur l’avenir en programmant des investissements.

 

D’autres représentants de la filière estiment que le Languedoc a déjà beaucoup arraché par le passé et n’a pas à réduire de nouveau son potentiel de production…

Le marché, ça ne se décrète pas. Le Languedoc ne peut s’exclure du besoin d’arracher. Sinon, les friches que l’on voit apparaître de plus en plus dans le Sud vont continuer de se propager. Tout le vignoble français est en difficulté. Même les Provençaux souffrent maintenant. On voit arriver le problème en Charentes. On le connaît déjà dans le Rhône et à Bordeaux. Seul le val de Loire semble, peut-être, épargné. Dans ce contexte, le Languedoc doit faire sa part : pas plus.

Désormais, l’inquiétude porte sur l’aboutissement de l’arrachage. Cela fait des mois que le dossier est sur la table. Les élections européennes et législatives étant passées, il y a urgence à ce que les arrachages puissent voir le jour cet hiver. Que l’on ne tarde pas à arracher. Il est compliqué de conquérir des parts de marché à l’export quand son propre marché national est atone.

 

Une autre inquiétude concerne le niveau de stock à l’approche de la récolte : que faire des volumes à reloger ?

Il faut faire de la place dans les caves avant les vendanges. Mais pas en dégageant des volumes à bas prix. Il faut éviter la spéculation à la baisse qui fait perdre de l’argent à tout le monde. Je sais qu’un prix minimum est compliqué. Il faut trouver une façon d’éviter la spéculation à la baisse. Quand on dépasse les bornes, il n’y a plus de limite aurait dit Pierre Dac. Le relogement et les bas prix pour de la trésorerie, c’est un classique. Il ne faut pas que la situation s’aggrave. Nous ne sommes pas sortis de la crise, tant qu’il y a du surstock, on rajoutera du stock sur le stock dès qu’il y aura une récolte normale.

Vous n'êtes pas encore abonné ?

Accédez à l’intégralité des articles Vitisphere - La Vigne et suivez les actualités réglementaires et commerciales.
Profitez dès maintenant de notre offre : le premier mois pour seulement 1 € !

Je m'abonne pour 1€
Partage Twitter facebook linkedin
Tous les commentaires (5)
Le dépôt de commentaire est réservé aux titulaires d'un compte.
Rejoignez notre communauté en créant votre compte.
Vous avez un compte ? Connectez vous
Bernard Le 31 juillet 2024 à 06:43:37
Et si on commençait par aider ceux qui veulent arracher, ceux qui arrivent bientôt à la retraite, ceux qui ont envie de faire autre chose, ceux qui préfèrent réduire le volume pour arrêter le négoce et se lancer dans la bouteille en direct, ceux qui veulent réduire la surface pour supprimer un salarié, etc etc Il faut aussi regarder les friches actuellement, ce sont des fermages qui ont été arrêtés faute de rentabilité pour l'exploitant . Les propriétaires (très souvent les anciens de la famille) perdent les fermages donc leur retraite ! Et en plus ils doivent payer l'arrachage , 3000? par ha et cela avec la retraite de la MSA 1000? mensuel : impossible. Demandez à la SAFER, les vignes ne se vendent plus, personne ne veut de fermage ni même de commodat, c'est bien un signe.
Signaler ce contenu comme inapproprié
BONNIN Le 29 juillet 2024 à 10:42:04
L'arrachage n'est jamais une solution satisfaisante; ça ne provoque que de l'appauvrissement pour le vigneron, le territoire, et la filière ...Tous y perdent. Pour autant, que faire dans une situation de blocage comme celle que l'on connait ? le retrait temporaire d'une partie du potentiel de production, ou d'une partie des produits qui encombre le marché peut être étudié mais il a ses limites. il renchérie la production et justement Nos coûts de production doivent être réduits et il faut redevenir compétitif par rapport à nos concurrents de la bière et des sodas et autres boissons énergisantes . Nous devons inverser cette tendance de reduction des consommations de vins et repositionner nos produits sur notre marché national, communautaire mais aussi à l'export ou de vrais marges existent. C'est d'un pan ambitieux et massif dont nous avons besoin . le replis n'amène que sur un marché étriqué . La clé est donc dans la réduction de nos charges fiscales, sociales, de main d'oeuvre, de structure ...
Signaler ce contenu comme inapproprié
Vigneron Le 29 juillet 2024 à 09:27:14
Comme personne n'est devin, si le marché repart dans quelques années, que vont faire ceux qui ont arraché ? L'arrachage est la "solution de facilité" prônée par ceux qui n'ont pas de vigne ou qui veule que leurs voisins arrachent, pensant que cela va rétablir l'ordre économique avec la main magique d'Adam Smith. Parfois, on aurait besoin d'une autre main magique pourrait remettre les choses en place. Quand on sait que le marché du vin a un potentiel dans le monde entier et que les importateurs internationaux convoitent notre vignoble, il y a des choses à faire et pas seulement à dire. Je pense que les syndicats sont un peu à bout de souffle, alors que certains négoces vendent des volumes considérables dans le monde entier. Pourquoi n'aident-ils pas "un peu" les autres ? Faute à l'égoïsme économique libérale ?
Signaler ce contenu comme inapproprié
Observateur7 Le 28 juillet 2024 à 13:47:42
Analyse claire et modérée d une situation très difficile et qui demande logique et clairvoyance !
Signaler ce contenu comme inapproprié
augustin Le 28 juillet 2024 à 06:35:06
Il est rassurant/ déprimant de constater que les faucons ( faut qu on ) et les yakas ( il n y a qu a) continuent à proliférer à la veille de la vendange 2024 , notamment au niveau des fédérations de producteurs La lecture de cette interview gardoise fait etrangement écho à celle du compte rendu de l AG de la fgvb à Bordeaux du 17 juin dernier en termes qui confine pour certains à du quasi enfumage .Je cite en effet l union girondine dans sa livraison de juillet août 2024 : "en matière de gouvernance , la feuille de route stratégique prévoit de faciliter la gestion des appellations(?), avec la mise en place de véritables outils de pilotage de la filière (??)et d ameliorer l appropriation par les odg et les agriculteurs des actions professionnelles et interprofessionnelles (???) ". Après le mildiou et le Black rot, le blabla ? La synergie avec le négoce, la gd, la bancassurance , l administration fiscale ou la msa voire les acteurs juridiques des procedures collectives est mise au panier ...et on leur préfère encore et toujours le sempiternel arrachage , à grand renfort de subventions coûteuses pour le contribuable et sans effet sur les cours ..mais avec un impact certain sur la capacité de rebond de la filière à l export. Et prétendre avec cynisme que l "on préfère toujours voir son voisin arracher" est une accusation mensongère qui en dit long sur le peu de considération que peut avoir une partie des cadres sup de l interprofession à l encontre de nous autres opérateurs terrain." Faut voir comment on nous parle" regrette Alain Souchon ... et il n est plus le seul !
Signaler ce contenu comme inapproprié
vitijob.com, emploi vigne et vin
Aude - CDI SARL D. PAUL MAS
Vaucluse - CDI Boisset la Famille des Grands Vins
Rhône - CDI Boisset la Famille des Grands Vins
Bouches-du-Rhône - CDI ADVINI
Côte-d'Or - CDI Boisset la Famille des Grands Vins
La lettre de la Filière
Chaque vendredi, recevez gratuitement l'essentiel de l'actualité de la planète vin.
Inscrivez-vous
Votre email professionnel est utilisé par Vitisphere et les sociétés de son groupe NGPA pour vous adresser ses newsletters et les communications de ses partenaires commerciaux. Vous pouvez vous opposer à cette communication pour nos partenaires en cliquant ici . Consultez notre politique de confidentialité pour en savoir plus sur la gestion de vos données et vos droits. Notre service client est à votre disposition par mail serviceclients@ngpa.fr.
Politique
© Vitisphere 2025 -- Tout droit réservé