ne véritable telenovela que le conflit familial des vins à Indication Géographique Protégée (IGP). Déshérité pour s’être trop émancipé du patriarche, le fils chéri reste dans la maison commune, malgré un avis d’expulsion, en étant adopté par un frère ennemi. Ce mardi 9 juillet, Gérard Bancillon a été reconduit à la présidence de la Confédération des vins IGP de France (Vin IGP), son conseil d’administration lui ayant « renouvelé sa pleine et entière confiance » comme le rapporte un communiqué. Mais ce septième mandat annuel consécutif n’allait pas de soi, loin de là.
Elu sans discontinuer depuis 2018, le viticulteur de Garrigues Sainte-Eulalie reste dans le viseur de sa propre famille d’origine : le syndicat Pays d’Oc IGP lui ayant retiré son mandat pour représenter le premier vin de pays dans les instances nationales. Une mise à l’écart due à des divergences politiques entre Gérard Bancillon, précédemment secrétaire général de l’Organisme de Défense et de Gestion (ODG), et Jacques Gravegeal, vigneron du Pic Saint-Loup (Hérault) et inoxydable président de Pays d'Oc qu'il incarne depuis sa naissanc en 1987. Parmi les oppositions principales se trouve la réduction du potentiel de production : Gérard Bancillon voit dans l’arrachage un outil inévitable, pour détruire les 6 millions d’hectolitres de vins excédentaires pesant sur les stocks français, quand il faut d’abord diagnostiquer des différences commerciales interdépartementales du Languedoc pour Jacques Gravegeal, dont le syndicat avait ouvert un débat détonnant début 2024 renversant la surproduction en sous-commercialisation.
Résultat de ces tensions intestines, Gérard Bancillon a perdu le mandat de Pays d’Oc ce printemps, mais n’a pas été destitué de la présidence de Vin IGP pour autant. Pays d’Oc estimant que le retrait de son soutien impose la perte de sa présidence nationale à Gérard Bancillon, la confédération a maintenu une autre lecture de ses statuts et l’a maintenu en place. Ne le digérant pas, Pays d’Oc a décidé de claquer la porte de la plateforme nationale des vins IGP. Ce qui a été acté par le conseil d’administration de la confédération ce 24 juin, aboutissant en assemblée générale à la radiation des 15 administrateurs de Pays d’Oc. Comment Gérard Bancillon a-t-il pu être élu pour un nouveau mandat s’il n’y a plus de représentant de Pays d’Oc à la confédération qu’il préside ? Tout simplement en changeant de famille d’accueil : le président de la cave coopérative des Collines du Bourdic se rattache désormais à la Fédération gardoise des vins IGP en tant qu’administrateur.
Une adoption en forme de coup de TrafalGard, marquant un nouvel épisode de l’inimitié que nourrissent l’un envers l’autre Denis Verdier, président des IGP du Gard, et Jacques Gravegeal : les deux frères meilleurs ennemis des IGP. Les histoires de famille…
Souhaitant faire rimer souffrance et résilience de la filière vin, Gérard Bancillon indique dans un communiqué que « ma motivation principale est constante : tout mettre en œuvre pour un assurer un revenu hectare correct aux vignerons afin de pérenniser nos outils de vinification et de commercialisation ».
Très inspiré par le modèle champenois de réserve climatique et de gestion des rendements, Gérard Bancillon expliquait dernièrement à Vitisphere que dans le vignoble « on ne peut plus se permettre, comme par le passé, de faire dévisser les prix quand ça ne consomme pas. La peine est alors double : les volumes ne sortent pas et les prix sont de moins en moins chers. Il faut vraiment mettre en place ces outils de régulation et les utiliser rigoureusement. »
Avant ces modifications structurelles, l’enjeu reste conjoncturel : « nous sommes dans le pire moment d’une crise qui couve depuis des années. Toutes les régions viticoles du monde sont touchées par la désaffection pour le vin » pointe le président de Vin IGP lors de son récent congrès, lors duquel il demande à nouveau une distillation pour les biocarburants : « j’ai porté trois fois cette demande, sans aucune réponse du ministre, a-t-il déploré. Je suis conscient que le prix sera ridicule, mais il faut sortir des stocks à deux mois des vendanges. »