onstat glacial dans la chaleur de l’été de lundi 8 juillet à Bordeaux. « Aujourd'hui, des transactions à des prix inadmissibles sont encore constatées » pose Allan Sichel, le président du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB) dans le discours d’ouverture de l’assemblée générale qu’il préside. Le jour même, les services économiques de l’interprofession bordelaise relèvent en effet que le prix du vin vrac du Bordeaux rouge millésime 2023 échangé du 24 juin au 7 juillet tombe à 868 euros le tonneau (soit 57 % des volumes échangés en dessous des 1 000 € le tonneau fixés cet hiver comme plancher minimum). Ces cours indécents ont « des conséquences dramatiques sur les vignerons qui ne peuvent pas vivre décemment de leur travail, mais aussi sur l'équilibre des marchés et sur la valeur des produits eux-mêmes » alerte Allan Sichel, se mobilisant de nouveau pour « la juste rémunération des acteurs vitivinicoles ».
L’outil privilégié pour cette révolution reste la révision de la loi Egalim, qui en l’état « ne tient toujours pas sa promesse politique initiale de garantir une rémunération juste du producteur, a minima au-dessus des coûts de production » pointe le président du CIVB, qui a interpelé dans un courrier le président de la République, Emmanuel Macron, pour que la réglementation évolue rapidement. Une interpellation en écho de celle de Bernard Farges, vice-président du CIVB et président du Comité National des Interprofessions de Vins à Appellation d'Origine et à Indication Géographique (CNIV).
Les deux missives proposent quatre axes d’évolution : « Le premier est de garantir le revenu du producteur, dans le cadre du contrat 'amont' qui le lie au premier acheteur » avec « la non-négociabilité d'une partie du prix proposé par le vendeur, dans le respect du droit de la concurrence » précise Allan Sichel, ainsi que « la sécurisation des transactions » avec la révision de « l'article réprimant les "prix abusivement bas" » de la loi Egalim 1 (qui a conduit à la condamnation de deux négociants cet hiver, suite à la procédure du vigneron médocain Rémi Lacombe). « Un deuxième axe concerne la définition et la diffusion d'indicateurs, qu'ils soient de coûts de production ou de prix de marché » sachant que le cadre réglementaire n’est pas stabilisé rapporte Allan Sichel, pour qui « un troisième axe concerne l'adaptation des textes Egalim aux réalités et pratiques de chaque filière » (l’ensemble de la filière des vin français n’étant pas soudainement devenue allante pour une application d’Egalim qui pourrait tasser les prix en les nivelant vers le bas). « Un quatrième axe, sur lequel un travail est en cours avec le négoce, concerne la sécurisation cette fois du contrat aval' - celui qui met en présence le premier acheteur et le distributeur » poursuit Allan Sichel.


Concernant les contrats d’achat de vin en vrac, la mention d’une proposition préalable de prix du producteur est supprimée et une phrase est ajoutée pour mentionner l’intervention d’un courtier indique Fabien Bova, le directeur général du CIVB, lors du vote d’évolution des accords interprofessionnels. Relevant une « modification a minima des contrat », avec un « report à [l’assemblée générale de] décembre des choses plus profondes », le directeur de l’interprofession note « deux modifications simples » avant des « modifications plus profondes pour la loi Egalim à venir ». Dont le calendrier bascule dans l’inconnu. Si le rapport parlementaire en cours sur la révision du dispositif devait aboutir à des propositions pour la rentrée, le résultat des élections législatives 2024 rebat les cartes.
Même si « personne ne sait quel gouvernement sortira de la configuration » actuelle, « il vous appartiendra de reprendre contact avec les cabinets et le ministre » esquisse Étienne Guyot, le préfet de la région Nouvelle-Aquitaine, rappelant l’accord de principe acté le 8 avril dernier entre la grande distribution et de la filière des vins bordelais sur un contrat de filière rémunérant correctement chaque opérateur, « avec en perspective une évolution de la loi Egalim » pour « une concrétisation la plus rapide qui soit ».


En attendant des avancées politiques, « dans ce contexte chaotique, je nous félicite d'avoir su garder notre cap, d'avoir continué à bâtir, coûte que coûte, des actions collectives fortes » note Allan Sichel, relevant que « malgré l'environnement économique incertain et difficile observé dans nos destinations prioritaires » des opérations de communication sur la nouvelle identité collective « "Join the Bordeaux Crew" [se tiendront] à Londres, Bruxelles, Los Angeles, Shanghai, Tokyo... »
Déployant depuis février 2024 sa nouvelle plateforme de marque, Florence Bossard, la directrice marketing du CIVB, veut en 2025 « orchestrer le rebond dans un contexte compliqué » avec l’objectif de « défendre des parts de marché » et « résister le mieux possible » dans un environnement concurrentiel pressurisé par la déconsommation. Pour les prochaines actions, le CIVB souhaite ainsi se focaliser sur « les vins rémunérateurs ». Des bouteilles définies à plus de 4 € (prix de vente conseillé TTC) esquisse Florence Bossard, notant que le sujet a été beaucoup discuté et le reste encore en commission promotion du CIVB. Pour que ce plan de relance marketing porte ses fruits, « il faut laisser du temps au temps. Je sais que c’est dur en ce moment » note Florence Bossard, pointant de bons indicateurs de performance de cette nouvelle identité sur les réseaux sociaux notamment.
« Je mesure à quel point [le succès de la nouvelle plateforme de marque] peut être en décalage par rapport au ressenti de nombre de viticulteurs professionnels qui sont en très sévères difficultés » avec « des prix extrêmement bas » réagit Allan Sichel, défendant une stratégie marketing de long terme à « initier » pour avoir des « bons résultats en termes de retour » dans une construction « absolument nécessaire » à préserver car « c’est dans continuité qu’on arrivera à obtenir des résultats concrets dans l’augmentation des prix et des volumes commercialisés ».