éfrayant encore la chronique, les plantations de vigne dans le Nord de la France pourraient devenir monnaie courante avec l’accélération du changement climatique. C’est le pari de l’école d’ingénieurs UniLaSalle à Beauvais (Oise), qui a planté un hectare de chardonnay, chenin, muscat et pinot noir ce lundi 3 juin (« le long de la route menant à Crèvecœur le Grand » indique un communiqué). « On couple la production à la pédagogie, c’est tout l’objectif de l’exploitation rattachée au campus » indique à Vitisphere Grégoire Forzy, le directeur des fermes UniLaSalle (en polyculture-élevage, avec 360 hectares et 90 vaches). Piloté depuis quatre ans par les étudiants de l’association Agroteam, qui cogèrent la ferme, ce projet d’implantation de vignoble picard est né du souhait d’élèves (originaires de régions viticoles ou ayant des parents vignerons) et du besoin d’évolution de la ferme (vers des projets de diversification, comme la vente directe de ses produits).
« On commence à avoir des plantations de vignoble dans la région, ça interroge » ajoute Grégoire Forzy. Le choix des cépages plantés se base d’ailleurs sur l’expérience d’agriculteurs voisins ayant des vignes, ainsi que sur l’expertise du pépiniériste. Précédemment utilisée pour la rotation de cultures (blé, maïs, colza… et des expérimentations), la parcelle choisie présente un sol profond (1,5 mètre) de limons argileux (20 %) et se trouve à proximité du campus (permettant de mobiliser facilement les élèves). Visant d’abord la production de jus de raisin et de raisins de table pour la vente directe, la ferme pourrait développer un atelier de vinification dans un deuxième temps. Ses objectifs étant d’abord agronomiques et pédagogiques. Mais aussi économiques. « La vigne s’inscrit dans une logique de diversification, pour devenir une ferme plus résiliente » indique son directeur.
« Aujourd’hui, nous proposons des modules de fin de formation d'ingénieur pour la culture de la vigne, mais nous n’avons pas prévu d’avoir de formations spécifiques à la viticulture (type spécialisation annuelle) » indique Grégoire Forzy, qui se projette d’abord sur les enjeux d’adaptation de la vigne à la région picarde (pression maladies, conduite…). S’équipant petit à petit en matériel viticole grâce à un partenariat avec une ferme voisine, UniLaSalle mise sur le développement du vignoble dans les zones les plus septentrionales. Une ouverture de nouveaux terroirs qui peut sembler paradoxale alors que le vignoble actuel ne parle que de déconsommation et d’arrachage.
« Notre idée est de s’adapter au réchauffement climatique. Nous sommes obligés de nous adapter et d’imaginer de nouvelles cultures dans la région » analyse Grégoire Forzy, pointant qu’« il faut être précurseur pour former les étudiants et collecter des données utiles pour les agriculteurs ». N’ayant actuellement pas d’enseignants ou de doctorants spécialisés dans la vigne, UniLaSalle s’ouvre de nouvelles possibilités pour l’avenir. « Même si ce n’est pas une priorité » actuellement, indique le directeur des fermes.
« Le vignoble de Picardie a été florissant du Moyen-Âge jusqu'au milieu du XIXe siècle » rappelle UniLaSalle, soulignant que cette zone viticole renaît « depuis les années 2000 ».