epuis sa création en 2015, l’entreprise When in Rome Wine a calqué son évolution sur celle des packagings alternatifs, se traduisant désormais par une croissance exponentielle de ses ventes, notamment sur le marché britannique. Présente en grande surface chez les poids lourds que sont Sainsbury’s, Waitrose et Ocado (pour le commerce électronique), la marque a réalisé un chiffre d’affaires de 1,3 million £ en 2023 (1,5 million €), chiffre qui devrait doubler cette année. A l’œuvre, une demande qui progresse en faveur des packagings alternatifs, mais surtout une réglementation qui devient de plus en plus contraignante en matière de bilan carbone.
Les GMS comme catalyseurs de changement
Les détaillants redoublent ainsi d’efforts pour diversifier leur offre, à l’instar d’Aldi et de Waitrose. « Aldi s’investit fortement dans les packagings alternatifs, créant un appel d’air pour notre entreprise. Lorsque son service de communication redoutable a commencé à mettre en avant ses bouteilles en papier, par exemple, nos ventes chez Sainsbury’s s’en sont clairement ressenties », se réjouit l’opérateur dont la gamme de vins tranquilles et effervescents se décline en bag-in-box, cannettes et bouteilles en papier Frugalpac. Idem lorsque Waitrose a annoncé remplacer toutes ses bouteilles en verre petit format par des cannettes : « Waitrose a fait un véritable travail pédagogique pour expliquer les raisons de cette transition, lançant douze marques en une seule fois. Tout d’un coup, le consommateur n’a plus à choisir entre tel ou tel format de packaging mais entre les différentes marques, positionnements prix et qualités. Il n’a pas à se demander s’il opte plutôt pour une bouteille en papier ou en verre, parce qu’au final, ce n’est pas la bonne question ».
Et de souligner le rôle primordial joué par les détaillants dans la transition vers des packagings plus écologiques : « Aucune marque n’est plus digne de confiance parmi les consommateurs que l’enseigne Waitrose. Idem pour Carrefour en France. Même si les agriculteurs déplorent les prix proposés, il n’en reste pas moins que ce sont les gardiens du temple en matière d’éducation des consommateurs, et également les maîtres des linéaires. Pour preuve, la réussite phénoménale des BIB en GMS en France, les distributeurs sachant très bien qu’ils gagnent plus d’argent avec des cubes qu’avec des tubes ».
Tout en s’étant glissé dans le sillage des géants de la distribution, l’entreprise s’est néanmoins retrouvée aux premières loges des conséquences négatives de certaines politiques gouvernementales, même si le système des vases communicants s’applique aussi. A titre d’exemple, la hausse des droits d’accise sur le vin au Royaume-Uni : « La majoration des accises a indéniablement enrayé la croissance des bag-in-box », déplore Rob Malin, estimant que d’un point de vue environnemental, le gouvernement « s’est tiré une balle dans le pied. D’un format classique de 2,25 litres, nous assistons à une orientation vers le 1,5 litre pour des questions de prix consommateur. Nous continuons à en commercialiser mais ils sont beaucoup moins porteurs ». A contrario, les cannettes ont profité de cette mesure : « Nos ventes de cannettes progressent environ six fois plus vite que nos BIB actuellement. Sur un volume de 187 ml, la hausse des accises se ressent beaucoup moins ».


L’effet pervers de la hausse des accises s’avère d’autant plus dommageable du point de vue écologique. D’après Rob Malin, si l’on exclut l’analyse de cycle de vie du produit globalement pour ne prendre en compte que le packaging, un bag-in-box génère environ dix fois moins de CO2 qu’une bouteille en verre à usage unique, contre six fois moins pour une bouteille en papier et quatre fois moins pour une cannette. Le parti pris en faveur de la bouteille en papier dans le mix packaging de l’entreprise n’a pas été sans provoquer de multiples commentaires et critiques : « En gros, bien sûr, il s’agit d’un bag-in-box en forme de bouteille, une technologie simple avec les mêmes avantages et inconvénients. Pourquoi l’avons-nous choisi ? Parce que 98 % des vins se commercialisent toujours en bouteilles en verre de 75cl – cela reste l’unité de mesure standard dans le monde du vin – et que si nous n’étions pas présents sur ce segment, nous resterions un acteur de niche insignifiant. Certes, ce n’est pas la solution parfaite, mais la filière du vin fait figure de sentinelle en matière de changement climatique : si nous polluons, nous récoltons littéralement ce que nous semons. Nous considérons donc qu’on ne peut pas attendre cinq ans pour trouver la solution parfaite ».
Un argument de vente beaucoup plus puissant
Les distributeurs aussi sentent que la pression monte du côté du législateur. « La réglementation autour des crédits carbone se renforce en permanence. Leur prix varie entre 300 et 1 000 $ la tonne, et avec l’augmentation de la demande, il continuera à monter. Notre collaboration avec CarbonCloud nous permet de dire aux détaillants qu’avec telle solution de packaging, la quantité de carbone représente x nombre de tonnes et que cela va leur coûter tant. Cela se chiffre très vite en millions de livres sterling sur un rayon complet. Donc, plutôt de que de proposer ses cannettes à 1,15 £ au lieu de 1,17£, si on a la capacité de leur dire combien on va leur faire économiser, la conversation devient beaucoup plus intéressante ».
L’entreprise cherche à créer de nouvelles occasions de consommation
Ouvrir le champ des possibles
Enfin, outre l’argument environnemental et de coût, les packagings alternatifs exercent un pouvoir de séduction important auprès de nouvelles cibles de consommateurs, offrant un sésame précieux vers de nouvelles occasions de consommation. « Notre point de vente le plus performant se situe à la gare de King’s Cross, ce qui en dit long sur la motivation présidant à l’achat de nos cannettes. Les Anglais ont tendance à consommer de façon très décontractée, y compris dans les trains, qui représentent un gros marché où la bouteille entière ne fonctionne pas ». Autre exemple : les bouteilles en papier dans les concerts. « Nous avons fourni le vin pour la tournée mondiale de « Cold Play » l’an dernier, parce que le groupe souhaitait diviser son bilan carbone par deux. De même, les organisateurs de concerts se sont rendu compte qu’ils n’avaient plus à transvaser le vin, puisque la bouteille en papier ne peut blesser personne ».


Autant dire que When in Rome Wine parvient à toucher un public jeune, que ce soit dans un contexte événementiel ou en magasin : « Nos cannettes sont positionnées dans le rayon des boissons prêtes à boire. Les ventes de deux sur trois de nos listings chez Waitrose sont supérieures à la moyenne, ce qui signifie qu’ils se vendent mieux que les cocktails en cannettes par exemple ». Et Rob Malin de s’insurger contre ceux qui affirment que les jeunes ne boivent pas de vin : « C’est faux ! Je peux démontrer qu’au Royaume-Uni, les jeunes boivent nos vins ! ».