’est en 2014 que son client japonais basé à Osaka au Japon sollicitait la maison de négoce et producteur (200 hectares près de Carcassonne) pour proposer des vins en fûts aux restaurateurs. Quatre profils de mono-cépages sous la marque Villa Blanche ont été sélectionnés pour être commercialisés au verre. « Ce sont souvent des restaurants assez populaires où les gens déjeunent à midi », explique Jérôme Joseph. Et de préciser tout de suite qu’il n’est nullement question d’y proposer des vins peu qualitatifs : « Notre client recherche un certain rapport qualité-prix et n’est clairement pas orienté vers le bas de gamme », insiste le chef d’entreprise à la tête d’une maison de négoce « de moyenne à haut de gamme », qui appose son nom sur chacun des fûts pour un total de trois à quatre conteneurs par an envoyés au Japon. « C’est peu par rapport aux producteurs italiens qui, me semble-t-il, sont plutôt actifs sur ce créneau ».
Des atouts supérieurs aux BIB
D’une capacité de 20 litres – soit l’équivalent de 27 bouteilles de 75cl ou 166 verres de 12cl – les fûts en aluminium sont récupérés par l’opérateur japonais, nettoyés puis expédiés dans le Languedoc pour être remplis de nouveau, et d’ailleurs à l’infini. Autre avantage : « Il n’y a pas de spécificités techniques particulières au niveau du conditionnement », contrairement aux BIB, par exemple, qui peuvent être gourmands en SO2. Pour reprendre la comparaison, la durée de conservation s’en trouve aussi nettement rallongée : « Pendant le Covid, à cause de la fermeture des restaurants au Japon, notre client a dû conserver nos fûts, non percés et dans un entrepôt à température régulée, pendant deux ans. Nous avons été excessivement surpris par la qualité des vins à l’ouverture. Nos sauvignons blancs étaient parfaits ». Un atout dont ne bénéficient pas les BIB : « La durée de conservation d’un blanc ou d’un rosé en bag-in-box ne dépasse pas trois mois, donc si vous voulez être respectueux des produits que vous vendez, tous les marchés du grand export vous sont exclus. Après l’expédition et la distribution sur place, il reste entre 4 et 6 semaines pour les consommer dans de bonnes conditions de service, et vous êtes obligés de couvrir les vins techniquement de façon beaucoup plus importante en SO2 ».


Insistant sur le caractère « plus hygiénique, plus sain et plus respectueux de l’environnement » des fûts, Jérôme Joseph pointe également le fait qu’ils sont « beaucoup plus intéressants économiquement » que les bouteilles. De plus, aucune goutte de vin ne se perd, « contrairement à la bière, où il y a des pertes à cause de la mousse et les derniers verres, qui ne sont pas très bons ». Enfin, côté environnemental, le négociant déplore « l’ineptie environnementale totale d’une expédition de bouteilles pour cette catégorie de vins destinée à être consommée au verre ».
Protectionnisme brassicole ?
Pourquoi donc les fûts ne se démocratisent-ils pas plus, du moins en Europe ? « Aux Etats-Unis par exemple, les producteurs sont assez coutumiers de ce type de conditionnement pour leurs vins. Mais très honnêtement, en Europe, on rencontre de grosses difficultés à convaincre nos clients d’adhérer à ce dispositif ». Evoquant des pourparlers avec d’importantes sociétés en Angleterre, en Hollande et en Allemagne – « car il faut des partenaires volumiques » – Jérôme Joseph s’interroge sur le rôle joué par les brasseries dans l’absence de développement des vins en fûts. « Je soupçonne un protectionnisme fort du monde de la bière puisqu’il est quand même maître des appareils de distribution dans les lieux de consommation. Les brasseurs contrôlent la sanitation et toute la logistique de ramassage organisée via les distributeurs locaux ou nationaux ». Puis, il y a le problème d’image, non pas en amont de la chaîne d’approvisionnement, mais en aval : « Je ne pense pas que les gros distributeurs comme C10 en France ou Matthew Clark en Angleterre soient réticents. Ce sont plutôt les clients finaux – les restaurateurs, gérants de pub ou d’hôtel – qui n’ont pas passé le cap en Europe ». Le vigneron languedocien reste toutefois particulièrement optimiste quant à l’avenir des vins en fûts : « J’ai du mal à imaginer qu’à un moment donné, on ne passe pas par cette façon de distribuer nos vins. La consommation est de plus en plus qualitative et le service du vin au verre, par fût, répond à 100% à la demande des consommateurs finaux. Les fûts apportent clairement des réponses qualitatives au service du vin, et plus on sera de vignerons à mettre en place ce système, plus on sera forts ».
Hormis les fûts de 20 litres pour le service au verre dans le CHR, Eric Lanxade, directeur opérationnel chez Sudvin, a décliné ce conditionnement dans un format de 5 litres pour d’autres utilisations. « On peut les apporter aux fêtes entre amis ou à des festivals, et ils peuvent également servir à des usages professionnels comme des mini-assemblages », a-t-il expliqué à l’occasion de la World Bulk Wine Exhibition en novembre dernier à Amsterdam. « Ce fût a été notre échantillon le plus dégusté ! Il fait partie de nos axes de recherche ». Ne nécessitant aucun travail œnologique particulier, le fût ouvre le champ des possibles en termes de gammes de produits, y compris les bulles. « Les mini kegs participent à la connotation positive du vrac. Ils montrent qu’on n’est pas obligé de passer par la bouteille ».