lus de 4 000 exposants vitivinicoles seront présents à Vérone pour assister à la 56ème édition de Vinitaly, à laquelle sont attendus plus de 90 000 visiteurs. Temps fort du calendrier professionnel, italien et international, Vinitaly permettra aux participants de faire le point sur une campagne pour le moins difficile.
En effet, les professionnels doivent composer avec une production 2023 en baisse de 23 % par rapport à l’année précédente, soit un volume total de 38,3 millions d’hectolitres, d’après les données publiées à la mi-mars par le ministère italien de l’Agriculture. Récolte la plus faible depuis 1947 – la faute aux conditions climatiques et aux maladies, notamment dans le Centre-Sud du pays – ce petit volume aura dégradé la compétitivité de la filière italienne en faisant augmenter les prix. C’est ce que confirme Sonia Carolo, courtier associé au sein de la société de courtage Patric Lorenzon & Partners, basée près de Venise mais dont la couverture est nationale. « Sur les marchés internationaux, la faible récolte a entamé la compétitivité de l’Italie, d’où le climat d’incertitude qui règne actuellement », pose le courtier italien. Qui note par ailleurs que « si l’augmentation des prix à la production a donné satisfaction aux producteurs, les embouteilleurs ont eu beaucoup de mal à faire accepter leurs offres tarifaires ».
Les hausses de prix sont, en effet, parfois conséquentes, notamment pour les blancs : les prix des vins blancs génériques en vrac et bases pour effervescents s’inscrivent en progression de 20 à 25% par rapport aux niveaux moyens, note Patric Lorenzon & Partners, qui a une vision de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement, depuis les raisins frais. Les augmentations sont plus modérées pour d’autres catégories comme les pinots grigios, et globalement les retiraisons suivent un rythme plutôt soutenu. Pour les rouges, la tendance est tout autre : « Chaque mois on assiste à une révision à la baisse des prix et les retiraisons se déroulent à un rythme ralenti », explique Sonia Carolo, qui pointe l’intérêt moindre des grands pays acheteurs, dont l’Allemagne. Et les excédents mondiaux de vins rouges : « Malheureusement, même l’Italie n’est pas épargnée par ce phénomène. Sans doute qu’en Italie, comme ailleurs, on verra des arrachages massifs de cépages rouges dans certaines régions ».
En revanche, la vendange en vert n’est pas à l’ordre du jour dans les vignobles italiens cette année, en raison de la très faible récolte 2023. Plus globalement, les exportations ont clôturé l’année 2023 avec une baisse d’environ 1 % en volume (21,4 Mhl) et en valeur (7,8 Mds €), et les stocks sont désormais en recul, régressant de 11% en février 2024 (56,1 Mhl) par rapport au même mois en 2023. Mais derrière ces chiffres corrects se cachent quelques tendances qui inquiètent les professionnels italiens. En effet, à la différence des deux baisses précédentes des exportations depuis l’an 2000 – celle de 2009 provoquée par la crise financière et celle de 2020 liée au Covid-19 – la régression des expéditions hors frontières en 2023 « met en évidence des difficultés liées non seulement aux variables conjoncturelles mais aussi à des facteurs structurels », constate l’observatoire UIV-Ismea.
Outre la crise du vin rouge commun à tous les pays producteurs, l’Italie note le recul du marché américain, mais aussi des difficultés rencontrées par son effervescent phare, le Prosecco. « Parmi les blancs, seul le Prosecco affiche des prix en 2023 inférieurs, d’environ 10 %, à ceux du millésime 2022 », confirme Sonia Carolo. Après des années de croissance ininterrompue (+223 % de 2010 à 2023), les bulles italiennes ont perdu 2,3 % en volume à l’export l’an dernier, avec -1,7 % pour le Prosecco. Crise inflationniste oblige, la valeur des effervescents italiens a progressé (+3,3 %/+5,4 % pour le Prosecco) mais leurs deux principales destinations – à savoir les Etats-Unis et le Royaume-Uni – reculent, de 12 % et de 4,4 % respectivement. La France enregistre la tendance inverse, affichant une hausse de 25 % de ses importations de Prosecco, un exploit que l’observatoire attribue au phénomène de substitution du Champagne par le Prosecco opéré par des consommateurs français frappés par la crise du pouvoir d’achat.