uand on représente 49 % de la production mondiale de vin en 2023, c’est forcément une position qui pèse : le comité mixte France-Espagne-Italie pour le secteur vitivinicole valide la demande de création d’un mécanisme d’arrachage temporaire à la Commission Européenne. Réuni ce mardi 5 décembre à Paris, au ministère de l’Agriculture, les représentants des filières et de l’administration des trois premiers pays producteurs de vin dans le monde ouvrent la voie à un arrachage lié à la restructuration différée espéré dès 2024 par nombre de vignerons faisant face à une déconsommation aussi rapide que brutale sur nombre de marchés. Après l’appui affirmé récemment par le ministre français de l’Agriculture, Marc Fesneau, cet engagement France-Espagne-Italie soutient la mesure de restructuration différée qui est portée depuis la fin 2020 par Ludovic Roux, le président des Vignerons Coopérateurs d’Occitanie. Après la déception de l’impasse communautaire de 2021*, le viticulteur des Corbières (Aude) sent « aujourd’hui l’envie d’y arriver au niveau du ministère et de la commission. Cela me rend plutôt optimiste », car l’outil d’arrachage temporaire « sera très important pour baisser rapidement le potentiel de production viticole ».
Concrètement, le mécanisme de restructuration différée proposerait une prime pour compenser l’arrachage dès qu’il est réalisé, puis indemniserait pendant trois années la perte de récolte liée au repos du sol (l’indemnité est actuellement de deux ans pour la restructuration du vignoble) et dès la quatrième année il y aurait une prime à la replantation… Si cette dernière est possible. Filières et administrations travaillent sur les modalités d’un mécanisme où, si l’exploitant ne souhaite pas replanter, il n’y aurait pas de réclamation de la compensation de l’arrachage touchée initialement. « Il ne s’agirait pas d’une prime d’arrachage au sens juridique, mais l’arrachage pourrait devenir définitif si l’économie de l’exploitation ou le bassin ne le permettent pas » explique Ludovic Roux, ajoutant que les autorisations de plantation seraient alors détruites, mais qu’il y aurait une possibilité de transfert des droits à prime (selon les équilibres économiques du bassin). Le financement de l’arrachage temporaire viendrait de la restructuration des vignobles dans l’Organisation Commune du Marché vitivinicole (OCM vin), sachant que les enveloppes budgétaires ne sont pas calées à date (comme les montants des primes).
Avec cette double sortie, la restructuration différée permettrait de répondre aux besoins de pause/réduction dans les coûts de production des domaines aux vignobles surdimensionnés (pour le recalibrer en allant vers de nouveaux cépages, profils, produits…) et à la nécessité d’un accompagnement social pour les vignerons en fin de carrière (n’ayant pas de repreneurs et dont les vignes risquent de finir en friche et d’alimenter la pression sanitaire). « Ça n’est qu’un outil parmi tant d’autres, il ne répondra pas à tous les besoins » rappelle Ludovic Roux, listant le panel des demandes portées par la filière, conjoncturellement et structurellement.
Qu’il s’agisse de l’aide aux trésoreries « pour ne pas basculer du mauvais côté » (Prêts Garantis par l’Etat, fonds d’urgence, année blanche bancaire, aide au stockage privé…), la promotion des vins durables pour leur meilleure valorisation (en expliquant et poussant les certifications bio et Haute Valeur Environnementale, HVE), la mise en avant des vins à l’export par le gouvernement en toute occasion (en renforçant la diplomatie gastronomique), la réduction la pression réglementaire (et la surtransposition française sur les règles européennes), la communication positive sur le vin (avec la non-célébration française de la première journée mondiale du vin qui ne passe pas), l’adaptation au changement climatique (gestion de l’eau, création variétale…)…


« Nous souhaitons d’être une filière qui cherche des solutions, qui croit en l’avenir » résume Ludovic Roux, qui veut « faire comprendre aux pouvoirs publics (locaux, nationaux ou européens), que lorsque l’on investit dans la viticulture, c’est rendu au centuple par les retombées économiques, par l’emploi, par la biodiversité… La viticulture a des aménités positives très claires. » De quoi soutenir la demande d’arrachage temporaire, qui serait compatible avec l’urgence imposée par la crise viticole actuelle (une rapidité qui n’est pas envisageable avec l’arrachage définitif, qui n’existe plus au niveau européen).
* : « à l’époque, la filière n’en était pas là où elle en est aujourd’hui. Moi-même j’étais plus optimiste » se souvient Ludovic Roux.