n 2023, les performances export de la Champagne ont été marquées pas un repli en volume et un bond en valeur…
L’année passée était placée sous le signe de la premiumisation. Pour monter en gamme, nous avons lancé une nouvelle cuvée pour le off-trade en 2023. Le travail avec les sites de e-commerce, les comptes clés et les chaînes hôtelières permette ce développement et ce positionnement. Nous sommes face à une occasion unique de profiter de l’aspiration des vins blancs et des vins effervescents. Le champagne répond à la demande de produits plus qualitatifs pour un style de vie où l’on se fait plaisir.
Les prix ont de nouveau flambé l’an passé, avec des hausses conséquentes lancées par de grandes maisons et suivies par les autres opérateurs.
Toute la catégorie a augmenté ses prix. En 2022, nous avions déjà passé une hausse à deux chiffres. En 2023, c’était un chiffre. Cela s’explique à la fois par une difficulté d’approvisionnement en raisin et l’inflation des matières premières (bouteilles de verre, coiffe d’aluminium…), ce qui a fait prendre conscience à la Champagne qu’elle n’avait pas assez de capacité pour créer de la valeur : il a fallu repositionner le champagne là où il doit être. Plus sophistiqué et plus haut de gamme, dans la culture actuelle du vin : on consomme moins, mais mieux.
En 2021 et 2022, il y a eu un mouvement de restriction des volumes commercialisés du fait de l’insuffisance de la production. Il a fallu freiner les ventes. C’était une période d’ajustement. En 2024, nous revenons à la normale dans nos disponibilités.
N’est-ce un positionnement du champagne sur le luxe qui s’oppose à la communication décomplexée d’un vin pour tous les moments du Syndicat Générale des Vignerons de Champagne (SGV) ?
La richesse de notre AOC est qu’il n’y a pas une recette miracle et unique pour réussir. Il faut explorer plusieurs voies. C’est ce qui fait la richesse de la Champagne.
Vous évoquez des difficultés d’approvisionnement en raisins, mais les stocks sont hauts : quel rendement souhaitez-vous en 2024 pour la Champagne ?
La logique voudrait que l’on reste sur le modèle initial de la Champagne : coller à la tendance des marchés. Si l’on reste à 300 millions de cols commercialisés, il faut adapter le rendement à cette contrainte pour garder de l’ambition commerciale et équilibrer l’économie de toute la région.
Demandez-vous 9 000 kg/ha ?
Faites le calcul à partir des 300 millions de bouteilles (sourire). Le rendement 2024 va être un sujet de conversation important en Champagne.
En réduisant le rendement dans cette période de tensions géopolitiques et d’incertitudes économiques, la Champagne ne risque-t-elle pas de manquer de vin si la situation s’améliore brusquement ? Comme après la crise covid où la prudence avait tendu les disponibiliés.
À la différence de la période covid, il y a eu l’augmentation de 8 à 10 000 kg/ha de la réserve. Cela fait aujourd’hui qu’il y a un mécanisme qui permet de se confronter aux difficultés de rendement. Le vignoble est également mis sous stress par le climat, les maladies du bois…
Entre la baisse des ventes en grande distribution et les récriminations des cavistes estimant passer après l’export, les marques de Champagne abandonnent-elles le marché français ?
Je suis intimement convaincu qu’il faut être fort sur notre marché d’origine avant tout le reste. Nous voulons que la France reste notre premier marché. Nous investissons massivement sur la commercialisation en France, avec des recrutements internes et des agents commerciaux pour aller au-delà de nos bastions de Paris, de Lyon et de Marseille. Nous voulons continuer à dynamiser le marché français du champagne. Il y a beaucoup d’efforts pour éclaircir et clarifier l’offre de champagnes dans les rayons de la grande distribution. Il y a une révolution à faire pour libérer la créativité et accompagner le consommateur dans ses choix.
Avec la baisse du pouvoir d’achat en France, ce sont les Prosecco, crémants et autres vins mousseux qui augmentent leurs ventes, pas les champagnes. Faute de pouvoir proposer des promotions comme par le passé ?
La difficulté aujourd’hui est d’animer le rayon autrement que par la promotion. Il faut amener de nouveaux moyens d’activation. Les moments actuels de consommation demandent de bien les comprendre… Et de l’audace. La grande distribution doit moins être obsédée par les volumes comme performance commerciale.
Quelles sont les perspectives de développement de TEVC sur les marchés ?
Notre objectif est d’équilibrer à 50/50 les marchés français et export. Actuellement nous sommes à 55/45, il y a encore des gains à chercher à l’international. L’export est un sport de haut niveau, il faut des équipes de professionnels et diversifier ses risques : un pays peut rapidement aller mal, il faut avoir une surface suffisamment large.
Quand on voit qu’Ackerman a changé de nom, en Orchidées, le temps de l’intégration de nouvelles marques, est-ce que TEVC pourrait devenir Nicolas Feuillatte ?
On restera TEVC. Nous avons une belle identité que nous conserverons. Elle regroupe Abelé pour le haut de gamme, Nicolas Feuillatte pour une diffusion large, Castelnau pour un champagne plus d’auteur et Henriot pour qui nous avons des ambitions.
En termes de développement durable, comment vous positionnez-vous sur les questions d’allégement des bouteilles et d’obligation de la coiffe ?
Je pense que nous avons déjà fait beaucoup pour l’allègement des bouteilles en verre. Nous sommes dépendants des progrès industriels pour réduire plus tout en garantissant la qualité [du contenant]. Pour la coiffe, j’était un grand partisan de sa conservation. C’est un signe extérieur d’identification de l’appellation Champagne. Ce qui n’empêche de travailler à son optimisation et à sa meilleure recyclabilité.