as question pour Jean-Pierre Venture de rester isolé au milieu de ses vignes quand il a créé en 1998 le Mas de la Séranne à Aniane (Hérault) après 17 années dans l’industrie alimentaire. « Je me suis tout de suite impliqué dans les appellations Languedoc et Terrasses du Larzac. Je suis également resté ami avec les professeurs rencontrés lors de ma mise à niveau en viti-oeno à l’Institut Agro de Montpellier et je n’ai pas hésité à les appeler régulièrement pour qu’ils me guident dans la conduite du domaine ».
Bien entouré et bien renseigné, le vigneron s'est vite intéressé à l’adaptation de la viticulture au changement climatique. « En 2007, j’ai planté du grenache sur les portes-greffe 41B et 103 Paulsen pour retarder la maturité, et en 2012 j’ai planté mes premiers cépages tardifs, counoise et morrastel » relate-t-il.
Pour aller encore plus loin, Jean-Pierre Venture a pris l’initiative en 2018 de consacrer 2 de ses 18 hectares à l’essai d’une dizaine d’autres cépages tardifs censés mûrir à plus petit degré d’alcool (moins de 14% vol. alc. à maturité phénolique). « Sur les conseils de Jean-Michel Boursiquot, j’ai opté sur du 110R pour deux cépages italiens, montepulciano et nero d’avola, deux cépages grecs, agiorgitiko et assyrtiko. J’ai aussi planté des cépages patrimoniaux, comme le terret blanc, le piquepoul noir, le rivairenc, et d’autres pieds de morrastel, en prenant le carignan comme témoin ».
En 2021, Jean-Pierre Venture a réussi à faire rentrer cette parcelle expérimentale de bonne vigueur dans une étude de la Chambre d’Agriculture de l’Hérault visant à obtenir des références sur des cépages méditerranéens rouges en vue d’une adaptation du cahier des charges de l’AOP régionale. « Dans la limite de 10 % des assemblages, cela m'a offert la possibilité de réintégrer les raisins au reste de mes cuvées sans perdre l’appellation Languedoc » explique le vigneron.
Jean-Pierre Venture parvient à apporter de la fraîcheur et de la complexité à ses vins en vinifiant ensemble cépages précoces et tardifs et en vendangeant les cépages dont il a le plus l’habitude (comme le carignan ou le cinsault) à différentes dates. Il sait qu’il ne trouvera pas de « cépage miracle », « résistant » aux canicules ou à la sécheresse, mais est agréablement surpris par l'acidité des vins et l'aromatique des cépages grecs et italiens. Il a en revanche arraché le rivairenc car il donnait des raisins trop peu colorés, et a été déçu de voir le morrastel décrocher l’an passé lors de la vague de chaleur de fin août.
Le vigneron vendange en moyenne 20 hl/ha sur sa parcelle expérimentale alors qu’il lui en faut 40 pour atteindre la rentabilité. « Conduit en gobelet à forte densité de plantation, l’agiorgitiko ne donne même aucun raisin alors qu’il a des bois magnifiques » regrette-t-il. Conseillé par le professeur Alain Deloire, il est en train de le transformer en guyot. Il a également remarqué que l’assyrtiko fait de longs bois et exige un palissage élevé. « Nous avons aussi constaté que les rameaux du nero d’avola s’écartent du plan de palissage et le taillons cette année en double cordon ». Jean-Pierre Venture espère que l’adaptation des systèmes de taille et le vieillissement de la vigne feront monter les rendements en puissance.