'était un rendez-vous prévu de longue date. Plusieurs représentants des vignerons lotois ont rencontré le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, mercredi 7 février afin de lui présenter un plan d'aide à l'arrachage temporaire. Cette entrevue avait été programmée avant les manifestations du monde agricole et l’annonce d'une aide à l'arrachage de 150 millions €, ce 31 janvier. Dès le mois de novembre dernier, une réunion de crise s'était tenue entre les représentants de la filière viticole et la préfète du Lot, notamment. « En sept ans, nous avons connu quatre aléas majeurs, c'est atypique. On est la seule appellation à avoir subi autant d'aléas climatiques à la suite », insiste Nicolas Fournier, président du syndicat de défense du vin AOC Cahors, qui a fait partie de la délégation reçue par le ministre.
Aux difficultés économiques, engendrées par les aléas climatiques, s'ajoute un risque de déprise viticole, ont alerté les représentants de la filière. Beaucoup de vignerons, proches de l'âge de la retraite, ne pourront bientôt plus entretenir leurs vignes. Quand d'autres encore, vont abandonner des fermages pour réduire leurs charges. Les syndicats des vins AOC Cahors et IGP Côtes du Lot, ont ainsi identifié que 600 hectares de vignes se retrouveraient sans exploitants d'ici 2025.


Quatre représentants de la filière viticole ont ainsi exposé au ministre une demande d'aide à l'arrachage temporaire. « D'abord, nous voulons éviter des friches viticoles où se développeraient des maladies, détaille Nicolas Fournier. Il faut donc prévoir une aide qui couvre les frais d'arrachage, ce qui correspond environ à 3 000 euros par hectare. Et d'ajouter : Nous savons cependant qu'il n'y aura pas assez de bras pour arracher rapidement les parcelles abandonnées. En complément, nous avons demandé que soient dévitalisées les vignes qui ne sont pas arrachées ».
Ensuite, les représentants de la filière ont sollicité la conservation des droits de plantation pendant huit ans, conformément à la demande nationale de restructuration différée du vignoble. Ce délai leur permettrait de procéder « au remembrement », estiment-ils du vignoble lotois. L'un des objectifs des vignerons est de stabiliser les volumes et donc de replanter des cépages plus résistants aux aléas climatiques. « Mais avant de commencer les plantations, il faut laisser le temps à l'Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO) d'inscrire de nouveaux cépages au catalogue, et ensuite de procéder à une demande de modification des cahiers des charges des appellations », conclut le président du syndicat AOC Cahors. L'aide à l'arrachage temporaire est désormais à l'étude, « mais nous ne savons pas encore quand nous aurons une réponse, ou même si ce sera la même aide que pour les autres appellations », indique Nicolas Fournier.
Dans le Lot, certains attendent avec impatience. Jean-Claude Brunet, vigneron indépendant, a déjà prévenu les propriétaires de ses fermages qu'il ne pourra pas continuer. Le vigneron cultivait jusqu'au millésime 2023, 32 hectares dont la moitié en fermage. « Entre le prix des loyers, ceux des traitements ou encore l'emploi de main d'œuvre, c'est trop de frais », indique le vigneron. Il espère qu'une aide encouragera ses propriétaires, auprès desquels il est toujours engagé, à arracher. L'arrêt des fermages permettrait au vigneron de respirer un peu. En effet, Jean-Claude Brunet doit également rembourser des emprunts de près de 90 000 euros, mais aussi des fournisseurs à hauteur de 100 000 euros. « J'ai besoin d'une pause comme une année blanche bancaire », plaide-t-il. Un dispositif prévu pour 2024.


Didier Borredon, également vigneron indépendant, s'apprête, lui, à prendre sa retraite. « Je suis en train d'estimer le domaine pour sa mise en vente », informe, le Lotois de bientôt 60 ans. « Si je ne trouve pas de repreneur, je préfère arracher que mettre en fermage. » Si personne ne souhaite reprendre ses 21 ha de vignes, il aura besoin d'une aide, « pour acheter des plants et reboiser ». Dans ce cas, Didier Borredon ne sait pas ce que deviendraient ses droits de plantation ou même s'ils trouveraient preneurs. « Malheureusement, je pense qu'il y a trop de surface. Le marché ne prend pas tout ce qu'on produit. Moi par exemple, je vends 90 % de mon vin au négoce. Il me reste en stock du millésime 2022 alors qu'habituellement en cette période, le millésime précédent était entièrement vendu. »
Un discours auquel n'adhère pas du tout Nicolas Fournier. « Si on arrache trop, on risque de perdre du volume physiquement, alerte celui qui est également vice-président de la cave coopérative Vinovalie. Il faut plutôt se donner du temps et replanter pour rajeunir l'âge du vignoble et introduire des cépages plus adaptés aux aléas et aux tendances. »
« Entre le prix des loyers, ceux des traitements ou encore l'emploi de main d'œuvre, c'est trop de frais » rapporte Jean-Claude Brunet. Photo : Elisa Centis.