Jérôme Despey : Je comprends la détresse et je la mesure tous les jours. Il y a besoin d’explications pour éviter les contre-vérités. Tout ça prouve la difficulté agricole et le mal-être viticole. Il n’y a pas à polémiquer, la cible du fonds d’urgence ce sont les aides aux situations les plus difficiles. Notre demande depuis le départ est de répondre aux difficultés causées par les pertes de récolte liées aux aléas climatiques (mildiou et sécheresse) et par les difficultés économiques liées aux situations de marché (de surstocks et de cours non-rémunérateurs). Nous avons obtenu un déclenchement du premier outil pour 20 % de perte production en 2023 par rapport à la meilleure récolte des années 2018 à 2022, et l’année blanche s’active à partir d’une perte de 20 % de l’Excédent Brut d’Exploitation (EBE) ou de Chiffre d’Affaires (CA).
La circulaire du ministère donne aux préfets la latitude pour adapter les critères selon les spécificités de chaque département, afin de graduer les aides de 5 à 20 000 € par exploitation. Il n’a jamais été dit que le fonds d’urgence compenserait les pertes. Ce n’est pas une assurance, c’est un complément. Si le dispositif devait répondre aux pertes, il faudrait peut-être 200 à 600 millions €. Au départ, il y avait 20 millions €. Notre combat professionnel était d’obtenir une année blanche et des aides aux cas les plus difficiles. Notre demande de mesure d’année blanche bancaire permet de reporter les annuités, en les consolidant en fin de tableau avec la prise en charge des frais et intérêts pour que ça ne coûte rien. 3 500 € en moyenne par exploitation.
Les tensions se focalisent sur les chiffres de répartition de l’enveloppe entre départements (voir encadré)…
La clé de répartition est toujours très injuste. Quel que soit l'indicateur. Nous demandions une approche équitable. Le choix du ministère a été de prendre la meilleure référence pour tout le monde : la production commercialisée en 2018. Ce qui donne plus d’aides là où il y a plus de viticulture. Bien sûr, il y des départements qui montrent des situations plus délicates. Comme les Pyrénées-Orientales. Une réserve nationale permettra de répondre aux cas où les besoins sont supérieurs pour réaffecter cette réserve là où les difficultés sont accentuées. Cette réserve représente à peu près 10 % pour départements en fragilité.
L’outil a d’abord été pensé pour aider les producteurs, qui sont en cave particulière, cave coopérative, CUMA… Je plaide pour qu’il y ait des réponses aux demandes des caves coopératives. Le ministre a annoncé que les caves coopératives seraient éligibles à la transformation des Prêts Garantis par l’État (PGE) en prêts bonifiés. Avec les caves coopératives, la filière demande aussi des aides aval (comme lors du gel 2021, demande aussi portée par le secteur des fruits et légumes) et une aide au stockage privé (qui est demandé par les metteurs en marché, comme ils l’ont exprimé lors du conseil spécialisé de ce 7 février). Nous attendons les retours de la Commission Européenne sur ces points. Elle doit aussi répondre aux demandes sur l’arrachage temporaire (avec une replantation différée de 8 ans ou un arrachage définitif). Je plaide d’ailleurs pour une aide à la restructuration des coopératives de leurs outils de production face à cette réduction du potentiel de productin. Il y a une difficulté de temporalité, les vignerons sont dans l’urgence, mais le temps communautaire n’est pas celui de l’immédiateté.
En termes de réactivité, le gouvernement ne s’est-il pas montré trop ambitieux en annonçant un fonds d’urgence ouvrant ce lundi 5 février (ce qui n’a pas été le cas) pour de premiers versements avant le salon de l’Agriculture (ouvrant ce samedi 24 février) ?
Les premiers versements devraient avoir lieu d’ici le Salon International de l’Agriculture (SIA). L’ouverture de la plateforme n’a pas eu lieu lundi, mais on l’attend d’ici la fin de semaine. Cet outil en ligne sera ouvert 15 jours pour de premiers versements d’ici la fin du mois sur les baisses de production. Il faudra plus temps pour l’année blanche, comme cela nécessitera des échanges avec les banques.
S’il y a l’urgence de court-terme, la filière présentait ce mardi 6 février son plan stratégique au ministre pour se projeter sur le moyen-terme.
On a toujours impression d’être un pompier qui se bat pour obtenir des actions du gouvernement face au conjoncturel. Il y a aussi l’obligation de mettre en place une stratégie de conquête de parts de marché avec toute la filière. Il faut des outils structurels : le plan de filière se concentre sur ces éléments.
D’après la circulaire ministérielle du 5 février consultée par Vitisphere et ici représentés en infographie, les 27 départements aidés sont : Alpes de Hautes-Provence (98 000 €), Hautes-Alpes (13 000 €), Alpes-Maritimes (5 000 €), Ardèche (1,45 million €), Ariège (3 000 €), Aude (9,23 millions €), Aveyron (37 000 €), Bouches-du-Rhône (1,7 million €), Dordogne (1,41 million €), Drôme (1,83 million €), Gard (8,53 millions €), Haute-Garonne (180 000 €), Gers (5,03 millions €), Gironde (14,24 millions €), Hérault (13 millions €), Landes (340 000 €), Lot (730 000 €), Lot-et-Garonne (970 000 €), Lozère (1 000 €), Pyrénées-Atlantiques (260 000 €), Hautes-Pyrénées (30 000 €), Pyrénées-Orientales (1,91 million €), Rhône (2,42 millions €), Tarn (1,15 million €), Tarn-et-Garonne (230 000 €), Var (3,23 millions €) et Vaucluse (4,78 millions €).